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Culture - Page 16

  • Hunger Games - La Révolte (partie 1)

    Nous quittions Katniss Everdeen en 2013 avec la foudroyante nouvelle de la disparition du district 12. 
    Que se passe-t-il, après que le monde qu'on nous avait façonné a disparu ? Se soumettre, se cacher, ou faire entendre sa voix ? Comment combattre ceux qui détiennent nos ficelles tout en se résignant à ne plus agir au péril de ses proches désormais saufs ? Katniss, meurtrie, va être utilisée comme un emblème révolutionnaire au dépend de sa volonté première.
    Les récentes nouvelles creusent une faille chez la gagnante, formant un accès exploitable pour les meneurs de la révolution. Manipulée et vernie d'une couche superficielle de bonnes intentions, la jeune fille ne semble être que la marionnette d'un combat entre méchants et gentils.
    C'est le tableau manichéen que nous dépeint le réalisateur : les dirigeants, aux cœurs de pierre et aux armes redoutables, et les résistants de l'ombre tentant de faire flancher le système établit il y a 75 ans. Cette facilité scénaristique tente de trouver du piment avec une approche plus psychologique qui contraste avec les deux volets précédents. En effet, le contexte fait que nous sommes davantage en proie à nous familiariser avec les sentiments de Katniss, qui semble plus mise à l'épreuve que jamais.
    Cet épisode soulève la question du manque. Lors des Hunger Games, le danger guettait perpétuellement Katniss mais celle-ci gardait une force déroutante, car son partenaire Peeta représentait une jauge d'énergie inépuisable tant qu'il restait à ses côtés. Étonnamment, nous n'arrivons toujours pas à nous identifier pleinement à ce personnage qui déambule dans les catacombes de son ancienne vie sans savoir comment aider toutes ces personnes souffrantes et en sachant qu'elle est le pion d'un jeu douteux. Il en est de même pour sa vie sentimentale, dans laquelle elle se perd entre l'envie de revoir celui qu'elle a appris à aimer et celui qui est à ses côtés. 
    Les tentatives d'atteindre psychologiquement l’héroïne ont donc porté leur fruit et nous laisse un gout amer de déception : qu'est-il arrivé à cette guerrière au cœur sur la main pour qui nous avions fait rouler une larme à la mort de Rue ou que nous avions soutenue dans son envie de détruire le terrain de jeu morbide du Capitole ?
    Les tournoiements de son esprit la ridiculisent presque et ne nous donnent plus vraiment envie de s’intéresser à son sort, malgré le suspense maladroit de la scène finale. Les penchants politiques de cette première partie instaurent un climat de guerre imminente et nous donnent l'impression que les talents des producteurs ont volontairement été étouffés pour nous réserver une fin haute en couleur. Le challenge est donc de taille pour la toute dernière partie de cette trilogie qui reste néanmoins captivante.

  • La Maison près du Lac de Yael Rasooly

    "L'histoire se passe en Europe Centrale,  il n'y a pas si longtemps" le récit débute, oscillant entre chants de cabaret et conte pour enfant, par la moyenne des trois sœurs qu'abrite cette maison. Trois soeurs aux caractères bien trempés à qui on a enseigné les bonnes manières et les leçons pour devenir des demoiselles bien éduquées. Mais leur innocence est voilée par l'attente du retour d'une mère disparue depuis bien trop longtemps. Sans prévenir. Sans leur avoir laissé de quoi manger.

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    Les journées défilent et les sœurs se plient à une mécanique quotidienne de leçons de grammaire, de danse classique, de musique et de langues. La vie se passe, la poésie accompagne leur routine. Petit à petit, leurs doigts se mêlent aux touches du piano, ce ne sont plus leurs poupées qui font l'intermédiaire avec les objets mais leurs propres membres qui glissent dans le stoïcisme : elles deviennent les objets de leur maison, qui n'ont plus de cœurs pour penser ou de cerveau pour sentir leur creux au ventre. Le temps du jeu est révolu, la tête de leurs poupées est arrachée et leurs corps soudés à ceux des fillettes créant un décors mirifique et terrible. Elles sont désormais ces poupées avec lesquelles elles s'amusaient lorsqu'elles formaient une famille heureuse et complète. 

    L'hiver vient assombrir ce fragile univers, portant dans son épais manteau l'effroyable vérité : leur mère ne reviendra plus. Yael Rasooly dévoile artistiquement l’horreur de la rafle et les faits véridiques d'enfants laissés pour compte ou forcés à se cacher dans de lugubres endroits durant des mois. Elle dépeint trois jeunes filles, probablement de 6, 8 et 10 ans, dont la force mentale surpasse leurs maigres années. Imaginant, pour ne pas perdre espoir, qu'un prince viendra les sauver, s'amusant d'un rien et se délectant de repas faits de restes émiettés. Leur candeur s'envole dans une métaphore d'ange voilé de blanc qui les enlace. L'enfance meurt avant que leur corps ne les lâche.

    Et une nuit, enfin, quelqu'un frappe à la porte. Est-ce leur mère ? Ces hommes vêtus d'uniformes militaires ? Ou bien la mort, venue les délivrer ?

     

    La Maison près du Lac, mi-novembre 2014 au TNG

  • Interstellar, Christopher Nolan

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    Après tous ces discours sur le développement durable et les malheurs que nous affligeons à la Terre, nous voici propulsés dans un monde qui a trop longtemps subit les actes néfastes de l'Homme et son oisiveté. L'air vient à manquer, la terre ne produit plus, seul un vent de poussière règne dans l’atmosphère lourde et réaliste de cet Amérique aux abords de la décomposition. Dans ce décors, nous suivons la vie de famille de Cooper, ancien ingénieur, et de ses deux enfants et particulièrement de son lien fort avec sa fille Murph. La vie était supportable, mais d'étranges événements se produisent dans la chambre de la fillette : des livres tombent sans que les murs ne tremblent, la poussière forme sur le sol des tracés nets. Murph se familiarise avec ce phénomène et le baptise "fantôme". Seulement Cooper trouve en ces traits un code secret, menant vers un repère caché de tout regard. Accompagné de sa fille, dont la présence tient davantage à une fourberie qu'à un réel choix, ils démasquent le projet de la NASA : la vie sur Terre touche à sa fin, il faut profiter du trou de ver qui s'est formé il y a quelques décennies pour partir à la recherche d'une nouvelle planète habitable pour l'Homme.

    Nous sommes immiscés dans la routine pesante de ces personnes qui ont décidé de tout quitter pour tenter de sauver leur famille, leur femme, ou de rejoindre leur compagnon parti il y a de cela dix ans. Cette cause nous semble réelle tant le décors et les dialogues sont admirablement construits. Le cinéma obtient majestueusement son nom de "septième art" par une histoire et une réalisation qui relèvent du chef-d'oeuvre. Nolan manie la science fiction avec des doigts d'artistes, en nous faisant tantôt vibrer devant des scènes au suspense quasi insoutenable, tantôt en nous bouleversant par l'amour d'un père qui surpasse l'écran. En effet, l'amour semble être la seule raison qui les pousse à vivre dans de telles conditions. Des douze explorateurs, l'un d'eux a été rattrapé par la folie au détriment de nos explorateurs. Sans espoir de revoir un jour un semblable et sans amour pour nous protéger de la solitude de cet infini, la condition de l'homme est entachée et assouvir ses intérêts personnels devient l'unique ligne de conduite. 

    Mais au delà de cette métaphysique, nous sommes happés par la transformation des personnages de cette fantasque odyssée : certains s’humanisent tandis que d'autres laissent éclater le terrible mensonge qui les maintenaient durant de nombreuses années. Cette mission va-t-elle vers un but réalisable ou relève-t-elle du désir de satisfaire l'espoir général ? Cooper, incarné par le formidable Matthew McConaugey, apparaît comme le conciliateur entre la soif de mettre un terme avec cette mission rudement menée et de trouver une planète vivable et l'envie de revoir ceux qui l'attende sur terre et qu'il ne peut voir grandir. Ce personnage auquel on ne peut que s'attacher reste digne et fort, même lorsque tout semble perdu. 

    Le décors ingénieux devient presque secondaire dès la seconde moitié du film, où le pathos prend une place grandissante. L'Homme est-il condamné ? Peut-on rester subjectif lorsque nous avons le choix entre sauver l'humanité et revoir sa famille ? Dans cet espace temps relatif, de nombreux destins s'entrechoquent, jusqu'à une découverte frappante. Nos actions ont-elles la capacité de changer le temps ? Nous ressortons de ces trois heures intenses en ayant une claque visuelle et scénaristique. En deux mots : courez-y.