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Culture - Page 20

  • Lucy, Luc Besson

     

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    "Notre capacité cérébrale est utilisée à 10 %, qu'adviendrait-il si on pouvait l'utiliser à 100 % ?" est la question à laquelle tente de répondre Luc Besson. Lucy est une jeune femme vive et banale qui se retrouve mêlée à un trafic de drogues rudement mené par une horde de japonais en colère, qui veulent récupérer la drogue qu'ils ont implanté en elle pour qu'elle la livre en toute discrétion. Mais ce sachet, contenant un kilos de petites billes bleues éclate lors d'une altercation avec une des personnes qui servent ce commerce. Tentant de comprendre ce qui lui arrive et de le faire savoir pour que ses connaissances soient partagées, Lucy se retrouve a endosser le rôle de policière au côté d'un homme plutôt charmant, dont elle se sert pour garder en elle une part d'humanité, qui passe par les sentiments.

    Sous des airs de documentaire scientifique axé sur la neurologie, nous suivons les cours de faculté orchestrées par le géant Morgan Freeman qui illustrent ce qu'il se passe dans le cerveau de la jeune femme au fur et à mesure que la drogue agit et dope son activité cérébrale dans des scènes parallèles. Le rôle de l'acteur n'atteint pas, ironiquement, le summum de son jeu d'acteur affadi pour un trop plein d'effets spéciaux. Cela nous donne jusqu'à l'impression qu'il a été voulu par le réalisateur non pas pour ses qualités mais pour son nom sur l'affiche. L'histoire prend une autre tournure aux deux tiers du film en résumant les événements marquants de notre humanité, jusqu'à ses origines avec la première vie humaine éponyme du film. Lucy aborde le consumérisme à la manière d'un 99 Francs futuriste, et piétine sur le terrain de Limitless, pourtant sortit récemment, qui a le mérite de contextualiser cette prise de drogue avec un écrivain subissant le syndrome de la page blanche. Luc Besson, pour sa part, se contente d'une petite arnaque en nous immisçant d'emblée dans ce conflit mafieusard assez tiré par les cheveux. J'accorde toutefois un bon point pour la tentative de représenter le monde sous rayon X, ce qui est assez novateur. Le reste est à découvrir par vous même si vous souhaitez passer un bon moment mais sans espérer découvrir le film de l'année.

     

  • Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan

    348460.jpgLe film nous frappe tout d'abord par la beauté de ses paysages, bruts, naturels, criants d'histoires. Et nous découvrons des personnages façonnés à leur image. Le scénario est remarquable par les différentes pistes d'interprétation qu'il nous laisse entrevoir : la religion, les relations amoureuses, le pouvoir de l'argent sur les personnes qui nous entoure et le déchirement de ces êtres, se frottant à dure réalité, longtemps édulcorée par des faux semblants. "Comment filmer le langage non-verbal ?" Nous semble être la trame principale de ce film. Le gérant de l’hôtel, Monsieur Aydin, dont on suit le quotidien, se rend chez un de ses locataires dont les loyers restent impayés depuis plusieurs mois suite à la difficulté pour le chef de famille de se reconstruire après un séjour carcéral. Le jardin de cette famille, ou plutôt ce terrain vague, est délabré, laissé pour compte. On devine alors que cet homme au passé sombre qui délaisse cette bâtisse s'écarte peu à peu des normes sociétales, des règles de vies d'un bon citoyen ou d'un bon musulman dont Monsieur Aydin fera l'éloge avec en ligne de mire cette famille marginale. Une dispute éclate dans un salon ? La subtile gravure "tonnerre" sur un plat posé face caméra sur la table basse et le bruissement du feu dans la cheminée nous indiquera que l'heure est aux règlements de comptes. Le relâchement d'un animal dans son élément naturel évoque la rupture des chaînes qui emprisonnaient le protagoniste, sa libération, une nouvelle perspective d'avenir. Nous éprouvons de la compassion pour chaque personnage, et réfléchissons en tant que potentiel acteur des débats dans lequels bataille Monsieur Aydin, aux mœurs conservatrices et aux arguments discutables mais toujours intéressants qui tendent parfois vers une réflexion philosophique. Nous serrons du point, ouvrons l’œil, échappons une larme ou une expiration colérique. Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan nous maintient éveillé. 

    Winter Sleep aborde entre autres le sujet de l'argent et à quel point celui-ci peut être néfaste même lorsque le cœur de l'homme qui en possède est bon. La possession de cette immense demeure perchée au dessus des montagnes de pierres enneigées assure à la famille du personnage principal une vie confortable, mais que vaut la chaleur quand on n'aspire plus à rien ? Quand on prend conscience d la différence entre l'être et l'avoir ? La bonté du don est alors complexifié. C'est là tout l'art de savoir donner et recevoir, comme lorsque nous souhaitons donner de la nourriture à un sans abris, va-t-on lui dire qu'on lui offre de quoi manger ou que l'on souhaite partager car nous n'arriverons pas à finir tout seul ? Pourquoi la personne qui reçoit ne pourrait pas être au final celle qui donne ? C'est-à dire celle qui permet au final au premier de se sentir apaisé moralement, comme satisfait d'avoir réalisé une bonne action. Qui donne à qui dans ces cas là ? Le conflit commence ici. La femme se noie dans un projet de solidarité tangent, tandis que la soeur trouve dans l'argent un refuge pour se guérir d'un divorce houleux. Nuri Bilge Ceylan dévoile le talent de ses acteurs qui, un à un, font tomber leur masque éclatant sur le sol en une fumée de non-dits, de frustration, de mal être qui s'évaporent dans toutes les pièces de cet immense hotel. Habitué à retranscrire les conflits de l'âme et les conditions sociales, il signe magistralement une nouvelle parlme d'or.  La beauté de la plume et du cadrage nous saisit tout le long de ces trois heures, pour ma part réductibles. La lenteur, voulue et parfois nécessaire, peut parfois nous extirper un bâillement regrettable lorsque l'on a en face de soi un tel tableau cinématographique. Winter Sleep vaut véritablement le coup de se consacrer, sous un soleil estival, quelques heures à l'hiver. 

  • Vivre 2 mois à Barcelone : le bilan

    Novembre 2013, une liste légèrement froissée se promène dans la classe. Le titre ? "Postuler pour un stage à l'étranger". Hésitante, je décide pourtant d'inscrire ma candidature. Courant 2014, suite à quelques entretiens, l'équipe enseignante de mon BTS communication m'offre la chance de faire un stage dans une boite internationale en plein cœur de Barcelone. "Super !" pensais-je immédiatement, d'autant plus que cette ville fut l'objet de nombreuses escales estivales, me familiarisant d'ors et déjà avec le terrain. Mais l'engouement envolé, un flot de questions se sont mélangées dans ma tête : où allais-je vivre ? Avec quel argent ? Comment faire s'ils ne me comprennent pas, avec mon espagnol hésitant ? Et le plus redouté : comment vivre deux mois, coupée de tout contact avec mes proches. Car le soleil, la mer, les musées, les excursions, sont des moments agréables lorsqu'ils sont partagés (confère la note de Supertramp dans Into the Wild "Le bonheur n'est réel que lorsqu'il est partagé" mais la solitude noircissait tous ces projets alléchants. J'étais alors coincée sur un pont chancelant entre la sécurité et l'expérience inconnue.

    J'ai décidé de partir, début juin 2014. Arrivée plaza Cataluna, je me retrouve face à une circulation abondant, des touristes en masse, des habitants, des jeunes qui discutent autour d'un café, une vielle dame qui achète un ticket de loterie dans une des petites cabines de la place où une maigre personne, coincée dans ce qui pourrait être une cabine téléphonique, vend des jeux de grattages. Et là, parmi ce chahut déroutant, m'attend une charmante quadragénaire du nom d'Emi qui me loue une chambre durant les semaines à venir.

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    En franchissant le seuil de l'appartement, je croise avec plaisir une jeune fille énergique de mon âge, qui m’assomme jovialement de questions avec la rapidité d'un TGV Lyon/Paris. A la vue de ma bouche béante, elle reprend, plus doucement, en articulant d'un ton presque scolaire. Mais je sens que je vais me plaire ici. 

    Il est étonnant de voir comment une ville diffère de nos souvenirs de plaisancier lorsqu'on vit sous le rythme métro, boulot, dodo. Les personnes sont plus accessibles et me considèrent presque comme une barcelonaise. Lorsque je me pose dans un café, en attendant des collègues ou en reposant mes jambes d'acheteuse compulsive, la personne tenant le bar vient me faire la discussion, pensant que je suis du quartier. J'en viens même à indiquer aux touristes les routes à prendre pour rejoindre le site qu'ils s'efforcent à chercher sur une carte probablement à l'envers. Je réponds aux sourires de dames âgées à qui je laisse ma place dans ces wagons trop petits et en vient à faire la discussion avec des anglais dans les boites de nuits que je fréquente avec les étudiants de mon école. Barcelone est une ville ouverte sur le monde, mais dont on ne sent pas chez ses habitants une saturation amère envers les touristes qui affluent et freinent le passage des grandes avenues. La richesse de leur culture m'a ouvert un peu plus les yeux sur ces personnes au quotidien très simple, dont on peine à deviner la conjoncture économique actuelle et le salaire minimum de 700 €, ces familles qui se réunissent autour d'une table de restaurant à n'importe quelle heure de la journée pour le plaisir d'être ensemble, à ces femmes qui assument leur féminité et leurs formes qui jureraient dans un magazine de mode prônant le luxe et la taille 34, à ces hommes qui ne détournent pas les yeux sur chaque fessier rencontré mais qui osent parfois un sourire timide ou nous aborde gentiment en boite de nuit, tandis que les touristes s'engagent dans des approches pesantes. Je suis heureuse d'avoir dit oui, oui à ce pas vers l'inconnu, oui à ce stage qui m'a appris comment tenir une entreprise en côtoyant ses créateurs et dirigeants, et à vivre avec la différence culturelle, et c'est émue que je rédige ces quelques lignes en projetant déjà de revenir dans cette capitale au coeur débordant de sympathie. Et le plaisir sera d'autant plus fort qu'il sera cette fois partagé avec les gens d'ici.

     

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