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Culture - Page 15

  • Invincible, d'Angelina Jolie

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    Retraçant l’histoire homérique du coureur olympique Louie Zamperini, Invincible étonne par la puissance de ses cadres, mis en lumière par un Jack O’Connell sensible et efficace.

    Pour les plus jeunes d’entre nous, nous avions pu découvrir cet acteur dans la série Skins avec le rôle de Cook, un adolescent perturbé, hyperactif, violent et dont on décelait une grande détresse. On ne retrouve qu’une chose dans les traits de caractère du personnage qui a éclairé ses talents de comédien : la force dans son regard. Cette force là, Louie Zamperini était pourtant destiné à ne jamais la puiser. Croire en lui aurait été incongru, et pourtant ses parents, son meilleur ami, et au fil de ses prouesses sportives sa ville, l’ont fait. L’histoire ne pouvait s’arrêter là. Va s’en suivre pour notre héros une accumulation d’épreuves morales et physiques. Le passage de la lumière éreintante du soleil en pleine mer à la lugubre et humide cabane dans laquelle les japonais l’emprisonneront trace la métaphore soignée des heures de gloire aux tentatives de destruction pièces par pièces de cette volonté infléchissable. Angelina Jolie, malgré son implication humanitaire de part et d’autres de la planète, ne peut nous cacher son amour pour son pays, qui glorifie ses enfants de la résistance et du combat, et c’est dans une légère mimique de perplexité que nous nous demandons si Louie Zamperini n’a à ce point jamais connu le doute voire le renoncement. La réalisatrice use et abuse du voyeurisme cinématographique, en nous faisant partager sa faim, sa souffrance, certaines scènes étant même éprouvantes. Malgré l'enchaînement de décors dans lesquels nous sommes cloîtrés au même titre que le personnage, la cruauté fait état de fil conducteur et nous offre des scènes qui gonflent de minutes en minutes le nom de héros (qui en deviendrait presque ostentatoire) et nous abreuve de son courage.

    Un salut supplémentaire à la distinction, souvent laissée pour compte des scénarios de guerre, entre l’histoire d’un personnage et l’Histoire de l’époque dans laquelle il est plongé. Nous suivons Louie et non la trame horrifique qui voudrait tirer la larme de l’œil du spectateur de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’est ici intégrée qu’en lien avec les histoires des prisonniers de ce camp nippon, et est la causalité de certaines réactions ou pertes d’espoir. 

    L’hommage est admirablement reconduit et sert au film de morale candide mais percutante : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Malgré l’acharnement maladif de son tortionnaire japonais, qui a vu dans le regard de son prisonnier une liberté d’esprit peut-être plus forte que la sienne, Louie ne se brisera pas (traduction originale du titre américain « Unbroken ») et se relèvera toujours la tête haute. Ce deuxième long métrage offre dignement à Angelina Jolie la double casquette d’actrice et de réalisatrice.

     

    Invincible, au cinéma depuis le 7 janvier 2015

  • Night Call de Dan Gilroy

    NIGHT CALL (1).JPGUne pluie de nominations, un casting prometteur et un thème sociétal excitant, tout semblait sourire à ce premier film de Dan Gilroy. Mais la sortie de salle nous laisse un gout de déception, de sujet pas ou peu exploité à sa juste valeur.

    Nous sommes introduits dans l'univers glauque des chercheurs de scandales, appâtés par le sang et le drame. Jake Gyllenhaal incarne Lou, un vautour redoutable aux intentions malsaines dont la soif pour l'argent et la reconnaissance le pousse aux portes de la folie. La brillante interprétation de l'acteur n'est cependant que l’enrobage doré de ce thriller remplit de lourdeurs. La mise en scène est telle que nous n'arrivons pas à nous identifier au personnage, nous suivons ses premières expériences avec la caméra et décrochons des sourires crispés lorsqu'il s'accopine avec l'humour noir. Mais plus les scènes défilent, plus la sensation de "regarder" le personnage s'installe. La comparaison avec le sublime Drive appuie cette impression, car l'esprit torturé et impénétrable de Ryan Gosling nous est accessible, de sorte à créer en nous de l'affection pour ce personnage. Night Call prend le parti de nous éloigner de son héros, davantage anti-héros, au profit de l'action à répétition. Sans grande originalité, la gravité des scènes paparazziées s’accroît jusqu'au grand final où l'inédit et l'ampleur du scoop propulse Lou à la gloire morbide d'une Amérique qui se goinfre de scandales. Des retournements de situations prémédités par tout bon public de ce genre cinématographique, des dialogues souvent absents au profit de courses de voitures clichées, cet amas de scènes classiques dont Dan Gilroy tente de mélanger à sa une sauce douteuse décrédibilise ce film qui aurait pu être merveilleusement bien construit. Pire, il trace le schéma manichéen de l'américain lambda qui subit les dérives de maniaques et des méchants médias qui le souille en s'abreuvant de tous ces faits divers. Cette réalité est sur exagérée et personnifiée par une quarantenaire peinturlurée qui donnerait son corps pour le scoop de l'année. 

    Night Call s'éloigne du thriller haletant que nous promettait Dan Gilroy mais se regarde par son acteur principal Jake Gyllenhaal qui domine ce long métrage, tant par son incroyable charisme que par un rôle dévoilant une maitrise de la noirceur, qui dénote des garçons gentillets qu'il a (trop) tendance à incarner. 

     

    Actuellement au cinéma

  • Yael tautavel ou l'enfance de l'art

    yael-tautavel-ou-l-enfance-de-l-art,--a-quai-des-arts,-mardi-16-mars,-a-20h--240.jpgYael est le petit dernier de la famille Tautavel, né sous la tragédie du Grand Exode : un jour, ou plutôt une nuit, tous les animaux ont déserté leur ile à cause de l'irrespect de l'homme. Quelque chose que nous n'avons jamais connu peut-elle nous manquer ? C'est à travers le regard de son grand frère, meilleur ami et guide, qu'il cultive la volonté de partir à la recherche de ces bêtes, les voir, les aimer, et les manger un peu. Le jeune garçon porte un regard pleins de malice sur ce voyage, qui prend une toute autre tournure : plus que la découverte d'un monde, il en devient la découverte de soi et de l'amour. L'amour de l'art pour l'un, l'amour d'une femme pour l'autre. Les mimiques enfantins et la voix nasillarde de Yael cachent des références poétiques aux problèmes actuels des jeunes à l'aube de leur vie d'adulte : comment s'épanouir dans un milieu incertain et face à des concepts encore bien troubles ? Yael se retrouve confronter au problème de l'amour, qui le nourrit dans ce qu'il aspire mais qui l'éloigne de son frère, qui n'a plus d'yeux que pour sa dulcinée. Le TNG s'amuse des doubles sens qui prêtent à sourire pour les plus grands : "où est ta mère ?" "Elle suce des pissenlits à la racine !" ou bien "Roméo va encore rentrer dans Juliette", qui se mélangent à des propos plus tendres lorsque Yael apprend de celui qui l'a initié à l'art : 

    "- Tout se peint Yael, absolument tout. Les taureaux, les dragons, le nuages, les pensées, les sentiments, les gens qu'on aime...

    - Même les gens qu'on aime et qui nous manquent ?

    - Surtout ceux-là.

    - Moi, si j'avais quelqu'un de prisonnier dans mon manque, j'aimerai bien pouvoir lui rendre la liberté."

    Le petit Yael grandit sous nos yeux et découvre qu'aimer, c'est apprendre à accepter que l'autre puisse aimer quelqu'un d'autre que soi, que l'amour se partage sans qu'il ne soit altéré. Il ne se divise pas mais se décuple, au fil de nos rencontres, de nos découvertes, et c'est une partie de son amour que Yael nous projette sur une toile suspendue au dessus du public par un lancé de peinture en direct sur un projecteur. 

    Cette pièce, débordant de spontanéité et de répliques à conserver, étonne par son franc parler. Elle illustre parfaitement l'enfance où l'on découvre l'amour et le partage, où nous sommes révoltés, rieurs, incompris, gourmands, sans gènes. Yael Tautavel ou l'enfance de l'art nous dit que nous ne pouvons vivre au dépend de quelqu'un d'autre toute notre vie, qu'il faut savoir prendre notre envol quand le moment est choisit. Et quoi de mieux que l'art pour nous servir de tremplin ?

     

    Yael Tautavel, décembre 2014