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Culture - Page 23

  • Quand on parle du loup, au Théâtre Nouvelle Génération

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    Le directeur artistique, Nino d'Introna, nous offre une pièce modernisée, décalée et saisissante du conte populaire "Le petit Chaperon Rouge".

    Le petit Chaperon Rouge. Un conte qui parle à plusieurs générations, des plus petits aux plus avertis. Seulement, le défi pour le metteur en scène est de taille, voire même double. Dans un premier temps, la question se pose : comment réussir à capter l'attention du public pour une histoire qu'il connait déjà et qui se raconte traditionnellement en quelques minutes, tout cela sur plus d'une heure de spectacle ? De plus, les dialogues s'en tiennent à la reprise exacte des mots de Perrault et Grimm. La mise en scène devient alors le seul élément sur lequel repose notre critique. Le jeu des personnages balaye en un éclair nos doutes en introduisant la pièce par une remise en contexte brève sous des airs de vieux cartoons américain. Puis nous basculons en un hurlement glacial de loup dans une ambiance d'épouvante. Nino d'Introna nous fait comprendre dès le premier acte que la pièce sera axée sur l'humour et la candeur, mais qu'elle n'en n'oublie pas l’atmosphère tragique du mythe original que les plus grands reconnaîtront. Le décor devient un élément phare de la pièce, construit d'un chemin de trois lignes blanches en Z. Tout au long du spectacle, l'idée du chemin de la vie sera évoqué. Nous voyons ainsi grandir le Chaperon Rouge : bébé rampant, bambin aux jambes, l'adolescente au caractère confirmé. C'est alors que la jeune fille, qui n'est plus si petite que cela, devient l'appui de sa grand mère dont les jambes tremblent comme celles d'un chérubin. Le chemin, c'est aussi les choix de la vie que nous auront à prendre : dois-je succomber aux charmes du loup doucereux ou me préserver ?

    J'ai particulièrement apprécié l'originalité de la mise en scène, tantôt enfantine et ludique, tantôt effroyable pour une certaine partie du public. Cela nous montre que Nino d'Introna s'adresse à un public intergénérationnel : le Chaperon Rouge est certes ouvert à des auditeurs relativement jeunes, mais il n'est pas exempt de toute la dureté à laquelle il réfère qui est la question du viol et de l'innocence des jeunes filles face à la virilité parfois maladive et incontrôlable de la gente masculine. La redondance de certaines scènes pourrait dérouter une certaine partie du public, peu apte à en déceler le sens caché qui est l'éternelle boucle de la vie. Le récit, très court, est sublimé par les effets de lumières et les versions de My Way surprenantes de cohérence avec l'histoire : une version rock pour symboliser l'émancipation du Chaperon désormais "jeune fille" et plus "petite fille", ou encore un air latino lors de la danse dans la forêt portée sur l'attraction sensuelle des deux protagonistes. La pièce réussit donc à combler le public enfantin par des touches musicales et burlesques, et nous rappelle, notamment avec la dernière scène dans laquelle le loup emporte avec lui le rideau final, que le danger face à l'homme reste un sujet contemporain.

     

    Quand on parle du loup, mars 2014.

  • The Grand Budapest Hotel

     

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    Le dernier né de Wes Anderson est l'association haute en couleur d'acteurs triés sur le volet et d'un scénario complètement déjanté. Nous remontons dans le temps à travers les mémoires d'un jeune garçon de service au crochet du concierge, Gustave H, dont la classe inégalée le maintient dans l'illusion poétique d'une humanité en qui il est bon d'avoir foi. La suite ? Loufoque, imprévisible, génialissimement drôle, étrange, et naturellement exempt de scènes logiques. Une course effrénée entre un malfrat à ski et deux héros accrochés à la luge du saint de l'Eglise où il se trouvaient, tout cela sur une piste de jeu d'hiver, devient tout à fait banal lorsque la plume est signée Wes Anderson. Happés par l’enchaînement de causes qui ont conduites le lobby boy à prendre les rênes de ce palace, succédant l’étonnant et émouvant Gustave H, nous restons bouche bée, l'oeil scintillant, près à en recevoir toujours plus. Après le charmant Moonrise Kingdom, comptant les aventures d'un jeune scoot et d'une fillette dans l'innocence des premières amours, Wes Anderson nous emporte dans un univers tout à fait différent mais dont on retrouve toute l'ingéniosité et la folie créatrice du scénariste.

     

    The Grand Budapest Hotel, mars 2014

  • Cosmos

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    Cosmos nous raconte l'histoire d'un homme, d'âge moyen, prénommé Witold. Un homme quittant son foyer en quête de réponses à ses bouleversements intérieurs. Il rencontre alors celui qui va devenir son camarade d'excursion et trouve repos dans une auberge familiale campagnarde. Tout semblerait paisible s'il n'y avait pas cet étrange phénomène de pendaison tout autour de la maison mère. Un oiseau. Un chat. Et après à qui le tour ? Au père, cinquantenaire en embonpoint dont les monologues sarcastiques glacent les repas familiaux ? A la fille, récemment mariée, au regard plein de malice ?  
    Le titre nous donne l'impression que l'on va s'échapper, sortir des sentiers battus et prosaïques de certaines pièces. Pari échoué. La pièce est originale mais la mise en scène relève de mon point de vue d'un artifice creux et facile. L'utilisation d'un écran dès le lever de rideau me provoque un mimique de dégoût : si nous venons au théâtre n'est-ce précisément pas pour échapper au numérique et aux prises prolifiques exempt de défauts ? Or nous est présenté sur un écran plat des personnes, des animaux, des points de vue sur des paysages et pieds foulant les graviers. On note tout de même une recherche esthétique et poétique, mais cela n'accroche pas. La lenteur de la pièce devient pesante. Illustre-t-elle la monotonie et l'impassibilité du personnage principal ? Celui-ci, physiquement absent, nous accompagne d'une voix off qui commente les faits et gestes de chaque protagoniste. Cette absence implique que nous, spectateurs, formions le corps du héros à qui s'adressent les membres de la pièce. Mais bizarrement, ça ne prend pas. 
    Le plateau se met régulièrement à tourner autour de la scène centrale. Cela sonne le moment où chacun mène sa vie sans se soucier de l'autre, sans se croiser. Les sentiments et l'empathie disparaissent pour accueillir le mal-être les soupçons. Un cafouillis général entre alors en scène : des protagonistes déguisés en bouches, en chat, et en extraterrestre. Un mari qui caresse obscènement sa femme. Un écran rond qui nous immisce dans l'esprit torturé de Witold. Non, vraiment, trop c'est trop. 
    En zieutant les divers publics, étant prise d'un ennui qui a décidé de poser ses valises, je m'aperçois que la singularité de la pièce ne provoque pas l'effet escompté de leurs côtés aussi : regards somnolents, rires nerveux entre amis, et voilà qu'un couple se lève et ne emportent avec eux 'un claquement de porte roque. 
    Les Célestins m'auront pour la première fois laissé perplexe face à leur dramaturgie.
     
     
    Cosmos, au Théâtre des Célestins, février-mars 2014.