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Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan

348460.jpgLe film nous frappe tout d'abord par la beauté de ses paysages, bruts, naturels, criants d'histoires. Et nous découvrons des personnages façonnés à leur image. Le scénario est remarquable par les différentes pistes d'interprétation qu'il nous laisse entrevoir : la religion, les relations amoureuses, le pouvoir de l'argent sur les personnes qui nous entoure et le déchirement de ces êtres, se frottant à dure réalité, longtemps édulcorée par des faux semblants. "Comment filmer le langage non-verbal ?" Nous semble être la trame principale de ce film. Le gérant de l’hôtel, Monsieur Aydin, dont on suit le quotidien, se rend chez un de ses locataires dont les loyers restent impayés depuis plusieurs mois suite à la difficulté pour le chef de famille de se reconstruire après un séjour carcéral. Le jardin de cette famille, ou plutôt ce terrain vague, est délabré, laissé pour compte. On devine alors que cet homme au passé sombre qui délaisse cette bâtisse s'écarte peu à peu des normes sociétales, des règles de vies d'un bon citoyen ou d'un bon musulman dont Monsieur Aydin fera l'éloge avec en ligne de mire cette famille marginale. Une dispute éclate dans un salon ? La subtile gravure "tonnerre" sur un plat posé face caméra sur la table basse et le bruissement du feu dans la cheminée nous indiquera que l'heure est aux règlements de comptes. Le relâchement d'un animal dans son élément naturel évoque la rupture des chaînes qui emprisonnaient le protagoniste, sa libération, une nouvelle perspective d'avenir. Nous éprouvons de la compassion pour chaque personnage, et réfléchissons en tant que potentiel acteur des débats dans lequels bataille Monsieur Aydin, aux mœurs conservatrices et aux arguments discutables mais toujours intéressants qui tendent parfois vers une réflexion philosophique. Nous serrons du point, ouvrons l’œil, échappons une larme ou une expiration colérique. Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan nous maintient éveillé. 

Winter Sleep aborde entre autres le sujet de l'argent et à quel point celui-ci peut être néfaste même lorsque le cœur de l'homme qui en possède est bon. La possession de cette immense demeure perchée au dessus des montagnes de pierres enneigées assure à la famille du personnage principal une vie confortable, mais que vaut la chaleur quand on n'aspire plus à rien ? Quand on prend conscience d la différence entre l'être et l'avoir ? La bonté du don est alors complexifié. C'est là tout l'art de savoir donner et recevoir, comme lorsque nous souhaitons donner de la nourriture à un sans abris, va-t-on lui dire qu'on lui offre de quoi manger ou que l'on souhaite partager car nous n'arriverons pas à finir tout seul ? Pourquoi la personne qui reçoit ne pourrait pas être au final celle qui donne ? C'est-à dire celle qui permet au final au premier de se sentir apaisé moralement, comme satisfait d'avoir réalisé une bonne action. Qui donne à qui dans ces cas là ? Le conflit commence ici. La femme se noie dans un projet de solidarité tangent, tandis que la soeur trouve dans l'argent un refuge pour se guérir d'un divorce houleux. Nuri Bilge Ceylan dévoile le talent de ses acteurs qui, un à un, font tomber leur masque éclatant sur le sol en une fumée de non-dits, de frustration, de mal être qui s'évaporent dans toutes les pièces de cet immense hotel. Habitué à retranscrire les conflits de l'âme et les conditions sociales, il signe magistralement une nouvelle parlme d'or.  La beauté de la plume et du cadrage nous saisit tout le long de ces trois heures, pour ma part réductibles. La lenteur, voulue et parfois nécessaire, peut parfois nous extirper un bâillement regrettable lorsque l'on a en face de soi un tel tableau cinématographique. Winter Sleep vaut véritablement le coup de se consacrer, sous un soleil estival, quelques heures à l'hiver. 

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