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Art - Page 5

  • Acrobates au Théâtre Nouvelle Génération

    Etre acrobate, ce n'est pas seulement bouger, danser, c'est un façon de penser. 

    Dans ce spectacle de danse contemporaine, l'histoire de ses interprètes se met au service d'un art maîtrisé à la seconde. Alliant sensibilité des corps et des expressions, les artistes dansent pour communiquer les différentes phases de la vie d'un homme et d'un ami après le drame. 

     

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    Ensemble. Lorsque tout va bien. La projection de vidéos d'archives sur les tapis devenus écrans de projection créée une atmosphère intimiste. De simples spectateurs nous devenons collègues, danseurs, le temps d'un spectacle, nous nous sentons acrobates car nous sommes invités à le devenir.

    La chute. ou bien la mort. Elle rode à chaque entraînements, à chaque faux pas. "Je peux pas" sont les mots qui résonnent entre les bruits secs du danseur qui se cogne contre les tapis. Il danse mais se fait tomber. Il n'arrive plus à se relever alors qu'il excelle toujours autant dans son art. Le talent ne suffit plus. L'acrobate n'est plus lorsqu'il est seul, lorsqu'il n'a plus son porteur, son voltigeur, ou son mentor. 

    L'interdépendance, pour pouvoir avancer. Prendre soin l'un de l'autre, le regarder, lui sourire. Acrobates est une réponse à ceux qui se perdent dans les drames de la vie. Il faut sans cesse se relever, compter sur l'autre, sur ceux qui restent, autant que l'on aimerait que l'on compte sur nous. C'est une ode à la vie en réponse à la mort. On né acrobate peut-être même sans le savoir, on s'articule dès la naissance jusqu'à se contenter d'un immobilisme cuisant, parce que plus le temps, parce que plus l'envie. 

    Acrobates ouvre la saison 2016 du Théâtre Nouvelle Génération en même temps qu'il ferme la page de leur histoire, après deux cents représentations.

     

  • A l'aveugle #2

    La cage thoracique 

    J'ai 14 quatorze ans. Je vis près d'une gare, dans une maison que mon père a achetée pour une modique somme, probablement à cause du lieu, de ces usines désertées, taguées par de jeunes noctambules, plus ou moins engagés, plus ou moins doués. Probablement à cause du bruit, aussi. Les trains passent toutes les 3 minutes 37 en journée ; c'est le plus long silence entre deux itinéraires. Puis la nuit tombée, le vide. Rien, aucun bruit. Pendant trois, quatre, sept heures. Je déteste ça. Le bruit des trains est devenu une douce mélodie qui sifflote à mes tympans, éveille mes envies. Paris, Montpellier, Aix, Lille, dans le sud bling bling, dans le nord chaleureux, dans le centre verdoyant. Toutes les 3 minutes 37, c'est un rêve qui éclot et meurt en autant de temps qu'il en faut pour s'imaginer une destination. Je ne fuis pas ma réalité, je l'embellis. Parce que si je reste devant la triste beauté que papa a pu s'offrir en travaillant durant vingt années, je pense que je m'éclaterais sur les rails des trains pour mourir avec mes rêves. 

    Et puis plus loin, il y a cette cage. Je ne sais pas vraiment à quoi elle sert, je n'y ai jamais vu de gens dessus. J'ai entendu dire qu'il y a quelques années un jeune homme y était monté, excité par l'alcool et les applaudissement des autres restés en bas, et que pour un pari il s'était mis à grimper, grimper, si haut que sa vision déjà floue avait dû inventer une barre là où il n'y en avait pas. Fin des rires. Fin du pari. Fin des rêves. 

    Mais je ne regarde pas cette cage comme la scène qui autrefois arracha un enfant à ses parents ou un ami à une bande probablement éparpillée aujourd'hui. Je ne la regarde pas non plus comme une horreur abstraite qui gâche la vue. Non, pour moi elle est le centre de tout. Elle est là alors qu'on ne s'y attendait pas, entre les chefs d’œuvres urbains des artistes de l'ombre, entre ces usines vides et les rails de mon imaginaire. Elle surplombe la ville, on doit y être bien là haut. A regarder les nuages, à s'aérer les poumons, du moins s'en donner l'impression, à lever le pied du goudron, sentir le vent cogner nos joues. Et pouvoir suivre mes trains plus longtemps. Que se prolongent mes rêves pour se perfectionner chaque seconde de plus avant qu'ils ne disparaissent, encore. Cette cage ressemble à un poumon, une cage thoracique. La cage thoracique de nos villes utopiques. Et je me plais à penser qu'il n'y a que moi qui puisse la voir, comme une anthropologue : je pense ma ville de l'intérieur, devine ses désirs, ses aspirations, anticipe son devenir. J'ai quatorze ans et la semaine prochaine je partirai pour la première fois en colonie de vacances. J'y échangerai probablement mon premier baiser et mon premier chagrin d'amour, car les plus belles histoires sont celles que l'on vit sans lendemain. Je l'ai lu dans un des bouquins à l'eau de rose de mon père, qui cache sa sensibilité dans un bleu de travail viril et dans du rouge bon marché. Attention, il n'est pas alcoolique, mon père, il s'adonne juste à sa lecture du soir avec tantôt une cigarette roulée Fleur du Pays, tantôt un verre de vin. Il lit des heures mais ne prend qu'un seul verre. Et comme nous ne sommes pas riches, il choisit sa bouteille légèrement au-dessus des premiers prix. Suffisamment pour se dire qu'il l'a sélectionnée. Ses romans à l'eau de rose m'ont aussi appris que même si une histoire n'est pas longue, elle peut être intense. Même pour une fille de quatorze ans. Alors je regarde cette cage, et me dit qu'elle pourra y recueillir toutes les larmes de mon jeune corps, les désolations qu'elles accompagneront, en voyant s'envoler mon train vers la ville de celui que je ne reverrai plus. Parfois, je sors de chez moi pour m'approcher davantage de ce qui fait mon jardin, mon espace à moi. Je la regarde, les avant-bras contre la barrière, si grande, si majestueuse, plantée comme une fleur de métal. Sauvage comme une mauvaise herbe triomphante. Un photographe pourrait même s'y arrêter pour la capturer dans son appareil, emporter avec lui ce que je vois tous les jours. Je pourrais la partager avec lui, ça ne me dérange pas. Il l'aurait mérité car il aurait perçu la grâce sombre et métallique de ma cage. Et je l'affectionne d'autant plus car j'en suis en dehors. Ma vue c'est mon espoir. Ces tags qui colorent le béton. Ces arbres qui irriguent mes poumons. Ces trains qui alimentent mes envies. Cette cage qui m'aspire à plus grand. 

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    Photographie : ph.nauher

    Texte : Clara Passeron

  • Le Festival Sens Interdits est lancé !

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    15 théâtres lyonnais ouvrent leurs portes pour accueillir ce festival citoyen international qui se déroulera du 20 au 28 octobre 2015. 

    Théâtres, partenaires et artistes aux origines diverses (venus de Pologne, d'Allemagne, du Chili, du Rwenda...), vont s'associer durant ces huit jours pour servir la cause et apporter un regard, peut-être même une modeste réponse à ces problèmes communs. Sens Interdits, c'est aussi un moyen de dire "arrêtez-vous, vous allez vous confronter à des thèmes que vous ne voulez pas approfondir, à des propos que vous ne voulez pas entendre : la mort, l'immigration, l'exclusion, la place de la femme. Il est ainsi en parfait résonance avec l'actualité. Sens Interdits enrichit et traite par cet art qu'est le théâtre pour mieux expliquer ce monde et tenter de nous apporter une ouverture spirituelle face aux idées concrètes et établies.
    Aucun tabou, aucune gène, des titres forts pour mieux cogner à nos oreilles, le festival s'autorise des dialogues cinglants et des réalités sans fioritures pour mieux impacter son spectateur. En effet, on ne peut détourner la triste réalité de ces 5 millions de suicides chaque année, des chiffres accablants du génocide rwandais, tant pour exprimer le nombre de morts que celui des meurtriers. Pour ce faire, certains artistes vont même pousser l'horreur à une réalité du XXI siècle en s'amusant à manipuler l'opinion de leur public : et si, en 2015, avec nos savoirs et notre recul politique, avec nos appréciations morales et sociétales, nous pouvions voter pour le discours d'Hitler, parfumé au gout du jour  ? 
    Parmi les pièces coup de cœur - sélection subjective et non exhaustive - Ceux que j'ai rencontré ne m'ont peut-être pas vu, au Théâtre de la Croix-Rousse, à voir pour comprendre l'immigration dans un monde où les généreux ne sont pas nécessairement des généreux efficaces, qui changent les choses. Hate Radio, aux Célestins, qui dénonce la barbarie et la haine quotidienne, jusqu'où nous sommes capables d'aller avec un lien fort avec l'actualité (Daesh, notammen). L'Accès, aux Célestins également, pour aborder l'exclusion et le rejet d'une plume forte, bouleversante et dérangeante. Et Dreamspell, à l'ENSATT, qui reproduit sur plateau une salle de classe en se questionnant sur ce qui fait l'individualité d'un élève, et plus largement d'un citoyen. 
    Les histoires de ces familles, de ces personnages atypiques,vont donc s'entremêler à la grande Histoire de notre civilisation. On évoque donc aussi les mémoires, et comment elles contribuent au devenir de la société. Ces pays d'un même monde meurtris à un moment donné de l'Histoire ouvrent leur cœur et leur voix pour nous offrir un festival singulier, disparate et un brassage des cultures.
    Un rendez-vous lyonnais et un rendez-vous avec le monde à ne pas manquer. 
     
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