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Art - Page 7

  • La tête haute, une délinquance sensible

    Malony a six ans lorsqu'il entre pour la première fois dans le bureau de la Juge des enfants. Il en a dix-huit lorsqu'il referme définitivement la porte. L'entre-deux ? Une période agitée, troublée, vivante, initiatrice et triste, puisque criante de vérité. 

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    La tête haute expose les tourments de la vie d'un jeune garçon, sans déviances mentales, sans passé scabreux, mais pensionnaire d'une image de forte tête par manque d'éducation. Sa préadolescence se rythme de conduites sans permis, encouragées par une mère-enfant qui voit en son fils la présence masculine stable qu'elle n'a jamais eu. Puis dans la lignée des choses et fort d'une prétendue maturité, Malony entame les délits aux conséquences plus lourdes. En somme, les actes pointés du doigt par la majorité de la population. Il ne s'agit pas de sanctionner ou justifier ces comportements dans ce long métrage. Il se veut neutre, à la morale détachée, pour nous inviter à suivre et à s'attacher de notre plein gré à Malony, dont la stature et le charisme étonnent pour son jeune âge. 

    La tête haute est un vent de fraîcheur sur les clichés, confirmés comme écartés, des conditions de vie et des tourments de ces pré-adultes en marge d'une société étiquetée. De la violence entre eux ? Il y en a. Des cris, des insultes, des taquineries, des suivis pas toujours protocolaires, il y en a. Mais ce que les documentaires rattachés à ce sujet peinent à nous montrer, et que le film dissémine subtilement durant ces deux heures d'émotion brute, c'est l'attachement simple mais libérateur qui peut naître entre partisans de la seconde chance et infortunés. L'attachement du Juge des enfants envers ces petits êtres à qui on a retiré la chance de s'épanouir sereinement, les éducateurs, envers leurs fortes têtes adolescentes rebelles et en détresse, les jeunes en centres éducatifs, qui se battent pour se dire je t'aime. Catherine Deneuve y incarne une Juge à la prestance incroyable et au rôle de modérateur pour Malony, pour qui elle éprouve une attache vraie mais impartiale.

    Les conséquences de ses délits, résultant d'un esprit en constante émulation, vont faire germer une conscience qui va l'éduquer. Le film nous montre cet épineuse évolution refrénée par un isolement touchant, car, malgré l'accompagnement, l'écoute, les mains tendues, la rébellion catalyse les états d'âmes de Malony. Puisqu'il n'a pas eu le choix, puisqu'il ne sait pas se livrer. 

    Tantôt par des éternuements au fil d'une tirade, tantôt par des frottements d'yeux et de mots calibrés et minutieux, nous sentons que nous nous approchons du vrai, de l'homme, de l'enfant, et non plus du titre auquel la société l'assigne et sa place sur l'échelle de la société. A cela s'ajoutent l'humour et la persévérance de Malony que l'on quitte adulte, bien qu'il le fut prématurément. 

    La tête haute, d'Emmanuelle Bercot, Mai 2015

  • Ouverture de saison du TNP

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    Le TNP, ou Théâtre National Populaire, a ouvert conjointement ses portes à la presse et au public pour la saison 2015-2016 ces mardi 19 et mercredi 20 mai 2015. Un tel engouement pour cette structure et ses dirigeants qu'il n'a été possible pour l'ensemble du public présent hier d'assister à cette ouverture. Deux salles ont été ouverte en visioconférence dans le soucis de satisfaire le plus grand nombre. La salle Jean Vilar, par son atmosphère feutrée aux sièges modestes et encaqués, nous a offert, sinon que l'exclusivité des figures de ce théâtre que sont le directeur et metteur en scène Christian Schiaretti et le directeur artistique Jean-Pierre Jourdain, la sensation de retrouver cette illustre popularité des planches. 

    Ces deux voix, à l'élocution sensible et travaillée, ont ainsi présenté les 22 pièces de cette nouvelle saison, déclinées sous 352 représentations. Un travail titanesque, qui demande aux comédiens/passionnés de s'imprégner de la pièce jouée tout en commençant à maîtriser la suivante. Au programme : des classiques, des créations, des déclinaisons, dans la réflexion permanente du don au public. Donner, pour cultiver, passionner, faire découvrir dans une mise en scène qualitative, donner matière à l'imaginaire, donner l'accès au plus grand nombre avec des pièces intergénérationnelle et adaptées aux plus jeunes, aux scolaires, aux budgets étudiants et aux villeurbannais.

    Une volonté pour le théâtre de choisir des pièces classiques et originales, puisque retravaillées par une plume pointilleuse et piquée. La Chanson de Roland, Electre, Tristan et Yseult, entre autres, s'inscrivent dans la thématique du "berceau de la langue", car le théâtre est, avant d'être un jeu, une écriture. Parallèlement, mais aux antipodes de ces monuments littéraires, se révéleront des œuvres plus singulières telles que Le Dibbouk ou Entre deux mondes, Singspiele, ou encore En courant, dormez !. L'art s'invitera dans les décors, dans la méditation et dans la pudeur du discours. 

    Comme le désir se nourrit de la modération et de l'inconnu, je ne vous en dirait pas plus. Rendez-vous le samedi 7 novembre au sein du TNP, pour une journée de partage et de discussion sur le théâtre public et son usage. 

    Mes compliments à l'organisation pour cette belle soirée d'ouverture.

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  • Un peu, beaucoup, aveuglément de Clovis Cornillac

               Machin est rustre et misanthrope, coincé dans des théorèmes pour jeux de réflexion depuis 7 ans. Machine est l’archétype de la sainte-nitouche vivant pour la musique classique. Séparés par un mur qui rallie leur deux immeubles, ils vont très vite se retrouver lier par un fort problème d'insonorisation, qui va les forcer à cohabiter malgré eux, sans jamais se voir. 

    Un peu, beaucoup, aveuglement nous conte la rencontre de deux victimes de la société, l'un profondément aigri et blessé, l'autre piégée dans un conformisme maladif étouffant son expression artistique. L'altercation sauvage des débuts va laisser entrevoir une complémentarité préméditée. On rit de l'indélicatesse de ces anti-héros, et ce rire participe à notre attachement envers ce couple improbable, séparés mais si proches.

    Le film a cependant tendance à se laisser couler dans la banalité des propos et des situations comiques, qui peinerait à lui donner l'ampleur cinématographique qu'il mérite, car chaque plan est travaillé, la lumière et le son soignés, mais le fardeau de faire rire avant tout éraille la maîtrise. L'idée est originale, et même vécue selon les propos de Lilou Fogli, scénariste de ce long métrage. On ne peut toutefois écarter de cette histoire le chef d'oeuvre Her, de Spike Jonze, sur le développement d'un affect d'un quadragénaire routinier pour une voix féminine électronique. Mais le drame de Spike Jonze met précisément en exergue le manque de risque de ce premier film de Clovis Cornillac. Cette heure et demie porte cependant admirablement la candeur fragile voire ingénue de l'actrice principale Mélanie Bernier, qui voue un charme à cette aventure parisienne romanesque.

    Un peu, beaucoup, aveuglement refleurit l'idée que notre regard fait bruit à notre jugement, que nous n'entendons réellement ce que nous ne voyons pas. Piégés par le mur de leurs immeubles respectifs, le film met en abyme notre condition de citadins piégés par les murs de leurs écrans : écran de portable, mur des réseaux sociaux, écran d'ordinateur, qui nous laissent l'impression d'être entourés en étant terriblement seul. Machin et Machine se côtoient par le biais d'un mur, mais qui va les forcer à se connaitre, à vivre ensemble, s'éloignant du tout au tout des premiers contacts engagés sur internet. Une jolie leçon sur l'être avant le paraître.

     

    Un peu, beaucoup, aveuglement ne distance par les comédies françaises réalisées avant lui, mais repend sur ses spectateurs un esprit enfantin et une sensibilité appréciables.

     

    Un peu, beaucoup, aveuglément, avril 2015