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  • Des gens biens, de David Lindsay-Abaire

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    Margaret, ou Margie, est une mère célibataire d'une adulte handicapée. Côtoyant ses amies d'infortunes, elle tournaille tristement entre son domicile, les parties de Bingo jusqu'à décider de changer la donne. La gentillesse et la diplomatie ne seront peut-être plus de mises, mais qui, des détenteurs ou des demandeurs, sera réellement en position de force ?
    Pièce sympathique qui se tient par la force harmonieuse de ses personnages, Des gens bien met en lumière des scènes proches de notre quotidien. Elle rend compte de l'amertume censurée par la bonté d'une femme qui cherche désespérément un emploi, après s'être fait renvoyer de son poste de caissière. Dans des décors changeants, qui vont créer une ascendance dans la cruauté enfantine de Margie, les langues se délient.

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    Face à un ancien comparse des quartiers pauvres aujourd'hui docteur et confortable, Margie se perd dans une attente d'aide non comblée, et s'enlise dans des propos cruellement drôles, tant ils forcent le malaise et le cynisme. Qui sont les gens bien ? Ceux qui ont une situation et se gardent d'en faire profiter les démunis ou les désireux qui souhaitent écrouler le monde battit par les chanceux ? Quand on serait en clin à dire que ce sont les personnages qui en ont le moins qui sont les plus attachants, la tendance s'inverse puis valse entre les catégories sociales, pauvres, riches, pingres et médisants, mauvais et bons. Chacun se fait tourner ses étiquettes, qui nous perdent dans ce que l'on aurait pensé d'un tel ou d'une telle.


    Des gens biens est un spectacle agréable mais qui peine à prendre sur la première heure. Entre bafouillages et stéréotypes des caractères féminins (la potiche, la gentille et la sèche), le spectacle laisse un espace d'attaches entre la scène et le public. Des gens bien se salue tout de même par une audace scénaristique, une modernité qui ne sert plus le milieu pauvre mais le coeur triste de Margaret, qui créé un tourbillon infernal entre ces classes et ces gens qui veulent à tout prix être des gens bien.

     

    Des gens bien, 12 mars 2016 au Radiant-Bellevue

  • Novecento, au Radiant-Bellevue

    Né sur un bateau duquel il ne descendra plus, Novecento est un enfant abandonné et recueilli par un membre de l'équipage. Le piano deviendra très vite sa seule compagnie, qui berce un monde imaginaire au gré des vagues et habite ses notes d'une musicalité incomparable. Novecento se dépeint à travers les mots et le jeu d'André Dussolier qui livre son histoire et son amitié avec ce jeune prodige. Parce qu'il n'a pas de rivales, Novecento joue à sa façon. Et parce qu'il n'a pas de paysages en tête, il nourrit ses musiques du monde qui vient à lui sur son bateau. Et la pièce se joue sur les mêmes accords : une harmonie tant sur la scène que dans le jeu.

    Novecento, André Dussolier, Radiant, Caluire

    Photographie : Christian Ganet

    André Dussolier nous porte par son histoire, nous transmet les odeurs, les ambiances des années 30, les lumières de cabaret et les personnalités colorées. L'interprète se mue entre le narrateur et les personnages de cette aventure romanesque, rendant un décors presque vide bondé de monde. Les genres se confondent, entre le conte, le mythe et l'histoire, si bien qu'on ne décèle plus le fait de l'anecdote : le jeu prend le pari de nous y perdre.
    Dussolier tire les ficelles de la langue française à la manière d'un De Groodt sur les planches de l'ingéniosité. Quand les limites de certaines pièces se trouvent dans l'excès et les manières, Novecento vise juste sans une note ou un mot de trop.

    Quand la musique s'accopine avec le théâtre, et décident tout deux de se défier dans l'excellence, cela forme une de ces pièces desquelles on ne ressort pas indemnes.

     

    Novecento, au Radiant Bellevue, mars 2016

     

  • En attendant Godot, au Théâtre de la Croix Rousse

    Deux hommes dans un désert attendent Godot. Est-il seulement réel ? On ne le sait pas. On ne le saura jamais. Mais les deux hommes sont là, Vladimir et Estragon, dans un désert, et attendent. Cette boucle qui pourrait sembler infernale se rythme et se séquence au gré des couleurs et des actions des personnages. Les heures passent et la folie guette, les envies suicidaires bourdonnent et la lucidité les réoriente vers leur ultime but : retrouver Godot.

     
    théatre de la croix rousse,lyon,samuel beckett
    Le metteur en scène Laurent Fréchuret choisit avec soin l'emplacement des personnages pour souligner ses ambiances, s'amuse des effets de scène et construit un décor sobre mais épique. Si les figures que l'on croise au cours de la pièce semblent réelles, le sont-elles pour autant ? Une folie ambiante rode et pique les discours pointus des personnages qui sembleraient philosophes une minute et désaxés celle d'après. Il n'y a paradoxalement pas de notion de temps dans En attendant Godot, on sait qu'il passe, mais Estragon et Vladimir le suspende, nous enivre, dans le fait qu'il n'y ait pas d'ascendance dans leur folie, ils invitent la raison comme choisissent de la défier :
    "Ceci devient vraiment insignifiant...
    - Pas encore assez !"
     
    L'oeuvre de Samuel Beckett a été retravaillé dans une langue respectueuse mais éminemment actuelle. C'est dans les détails que Laurent Fréchuret signe la pièce d'une plume humoristique, dans les regards, les interactions ponctuelles avec le public, la scène ouverte avec un personnage qui descends les escaliers de l'Orchestre à vitesse grand V, pour les remonter avec la même énergie. Et c'est un peu le maître mot d'En attendant Godot, qui pourrait se tuer par des longueurs. 
    C'est dans ce décors grattant les espaces infinis et une époque qui pourrait être la notre, avec une constance existentielle et politique, qu'èrent les deux âmes, aux discours tantôt dramatiques tantôt simplets. Les personnalités, que ce soit celles d'Estragon et de Vladimir ou de leurs compagnons d'infortunes Lucky et Pozzo, s'interfèrent et les rend tous vulnérables face à leur condition.
    Y aura-t-il alors un nouveau jour à attendre ? Et qu'est ce qui les occupera, en attendant Godot ? 
     
    En attendant Godot, Théâtre de la Croix Rousse, jusqu'au 30 janvier 2016