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Pour le dire - Page 15

  • Vice-Versa des studios Pixar

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    A la vue des critiques laudatives qui prolifèrent depuis la sortie de ce dernier Pixar, ma curiosité a gagné le combat contre cette déferlante médiatique qui considère presque déjà Vice-Versa (ou Inside Out) comme le meilleur Pixar jamais réalisé. Lorsque l'enchantement autour d'un film est quasi unanime, nous le plaçons indéniablement sur un sommet, battit d'ingéniosité et de créativité. Mais le risque de cette sur-estimation s'est révélé à la fin de cette ribambelle d'actions cocasses mais pourtant creuses. Vice-Versa séduisait par un projet des plus ambitieux : après avoir pensé les émotions de nos jouets d'enfants, de notre poisson de compagnie, de nos véhicules ou encore du monstre dans notre placard, il s'intéresse aux émotions DE nos émotions. Et la triste ironie est qu'il ne s'en développe aucune. Ce qui pourrait être de la compassion pour cette jeune fille, qui déménage et quitte prématurément le berceau de son enfance, relève d'avantage d'une indifférence grandit par un ennui post-découverte. Le scénario s'étire difficilement sur tout le film, rebondit par quelques scènes d'"action", qui le meuble plutôt que de le dynamiser. La matérialisation du monde de Riley, 11 ans, qui s'écroule par des îlots aux diverses caractéristiques est la trouvaille fine qui permet un mouvement aux émotions personnifiées que nous suivons. Étrange de voir que même si les effets et le travail sont là, la magie n'opère pas. A ce que l'action était aux Indestructibles, l'émotions à Là-haut et la sensibilité à WALL-E, Vice-Versa se perd dans plusieurs de ces terrains.

    On découvre, on s'émerveille, on regarde, on se lasse. Peut-être faudra-t-il emprunter un peu d'absurdité aux anciens pour relever la sauce du prochain long-métrage ? Même si l'originalité est appréciable, seul le petit grain de folie peut bouleverser l'écran, car quand il y a folie il y a surprise. Et qu'enfin l'enfant qui est en nous éclate plutôt que de subir les déboires fragilisées d'un tendre compère. 

     

    Vice-versa, juin 2015

  • Run, boy, Run ou Le garçon qui ne voulait pas partir

    J'ai jamais trop compris pourquoi les balafres restaient à vie. Pourtant on en bouffe des coups, à longueur de journée, à chaque minute. Il devrait y avoir une durée limitée pour nos cicatrices, hey toi, petite glissade au bord d'une piscine, qui aura laissé un peu de sang dans cette marre bleue aseptisée, tu ne crois pas que tu devrais laissé la place aux coups de ces trois monsieur, pour qui un regard et un portable étiqueté valaient ces bleus et ces blessures peu distinguées ? 

    Je recommence.
    Je vis dans un pays où il y a la guerre. Non. Je vis dans un pays où l'on se fait la guerre. Dans un pays où la protection côtoie la soumission, bouchez-vous les oreilles nom de Dieu, vous pourriez trop en entendre, vous pourriez trop penser. On pense protéger ma jeunesse mais on l'enrôle dans une corruption dégoulinante de faux-semblants. Et moi je ne vois pas le mal, on me plaque des marques sur la peau, on me pare de bons sentiments, et de mes yeux écarquillés d'enfants, je vois un monde qu'on me dessine. "Cours, garçon, cours", j'ai cette phrase qui résonne dans ma tête, qui gonfle mes veines à m'en rendre nerveux, "Cours, garçon, cours", mais je suis bien, moi, avec Titi et Grosminet, mes deux tortues, je voudrais rester rien que pour avoir encore l'espoir de voir la mer. Tout se confond dans ma tête, je suis nulle part, n'imaginez pas mon pays, il ne ressemble à aucun autre, il n'a pas d'immeuble il n'a que des écrans, il n'a pas de rues il n'y a que des passants. Errant, rouillant, comme leurs membres mécaniques qu'ils ont à la place de la chair. Tout fait de câbles et de petits tuyaux, seule leur tête ressemble à celle des Hommes, comme pour vous faire croire sous leur costume qu'il sont comme vous. Au moins eux n'ont pas de cicatrices. A la moindre collision, tout est réparé. Mais moi elles sont là, pour me rappeler mes erreurs, mon passé, pour me rappeler que je suis fais de sang, de nerfs, que je suis trop agité. 
    "Cours, garçon, cours". Aujourd'hui, en me réveillant, j'ai senti mes jambes grincer.

  • Une famille à louer de Jean-Pierre Améris

    Dans la même lignée des Émotifs Anonymes, qui traversait la vie de deux âmes ébranlées hyperémotives, nous rencontrons Paul-André, un homme riche qui veut connaître la vie de famille qu'il n'a jamais eu. Son idée ? Aider Violette, mère de famille endettée énergique et volontaire. Au fil des maladresses commises par ce cinquantenaire catastrophiste et en grande détresse émotionnelle, se dessine une relation de complémentarité, qui distance l'aspect contractuel de leur premier échange. De nature angoissée aux bords de la maniaquerie, Jean-Pierre Améris livre à travers ses deux personnages les déboires sentimentales et sociales des personnes en marge du moule lambda, auxquelles il a pu se confronter dans sa vie d'homme et dans la place qu'il occupait pour ses proches. 

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    Tout en gardant une certaine pudeur sur les sentiments, Jean-Pierre Améris signe une comédie romantique, de deux individus aux antipodes mais généreux l'un envers l'autre. Une famille à louer nous fait rire, mais aussi réfléchir, en dépeignant un tableau de famille atypique qui se veut classique dans ses procédés : qui sommes-nous dans la tête de ceux avec qui l'on grandit ? pour les uns nous sommes l'intello, pour les autres la dévergondée. Cette complicité subtile qui va lier Violette et Paul-André va leur permettre de se défaire de leurs chaines, de la case qu'on leur avait assigné. Ils prennent le risque de se découvrir plus sincèrement, sur le fil de la fantaisie et du drame. Dans cet attendrissant chaos familial se créé un petit monde sensible.

    Le réalisateur a privilégié une comédie travaillée, tant sur les cadres que sur l'écriture, dans laquelle l'histoire prime sur les successions de bouffonneries pour rassurer le spectateur sur le genre qu'il a choisit. Il s'oriente sur une comédie "joie de vivre", tout en parlant de maux, qu'il connaît bien, que l'on peut développer dans une famille ou plus largement une société qui, sinon que de concorder avec notre personnalité, ne comprend pas toujours nos différences. Un souffle libertaire pour les deux protagonistes sur l'écran, et une petite satisfaction pour celui qui occupe les sièges de voir que les comédies françaises ne sont pas réductibles aux gags lourds et franchouillards ou aux bons sentiments. 

     

    Une famille à louer, juin 2015