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Film hors compétition

  • Café Society de Woody Allen

    Des films sélectionnés durant le Festival de Cannes, mon choix s'est porté vers le nouveau bijou de Woody Allen, Café society.
    Le terme bijou n'est pas anodin, de ce film, nous en retenons l'élégance, le raffinement subtil de décors sublimés par la période qu'ils soulignent. Nous suivons l'interlude amoureuse de deux jeunes gens portés par les désirs d'accomplissement dans des années 30 opportunes. Au delà de cette trame se nouent les déboires des personnages secondaires, riches, pauvres, malfrats ou bons samaritains.

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    La société se hâte, se bouscule dans ces cafés où tout se dit et tout se fait, la véritable société se trouve ici : entre les cocktails ostentatoires et les bons vins courent les rumeurs, les derniers potins. L'argent transpire des murs et le chant mélodieux d'une jeune fille sur scène happent les regards et les oreilles. Les novices apprennent et les loups se pavanent. Ici, c'est la roulette russe : de nombreuses opportunités se saisissent ou bien l'indifférence de ce public exigeant tombe comme une sentence irréversible. Woody Allen réalise un film haut en couleurs en choisissant une teinte orangée pour parfaire la beauté de ses personnages et les horizons new-yorkais. Une saturation qui rappelle Loin du paradis, de Todd Haynes, plus extravaguant et résolument Woody Allenesque. Le soin porté à l'image est une signature qui assurent, si ce n'est un scénario osé, une qualité visuelle indéniable.
     
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    En effet si le scénario d'une femme qui préfère le confort à une histoire adolescente et qui se rend compte la situation inversée que la flamme ne s'est jamais éteinte, ni pour l'un ni pour l'autre, peut paraître mince, le cinéaste l'habit de touches décalées et d'une mise en scène particulière. La rapidité des plans sert presque à combattre l'ennui que le script pourrait approcher. Les transitions brusques nous surprennent plus qu'elles ne nous perdent. Woody Allen porte pourtant de ça et là un regard plus attentif sur ses transitions en glissant un élément de l'ancien plan dans le nouveau et allonge les histoires des uns et des autres avec cette même effervescence.
     
    Plus qu'à son ambiance chaleureuse et divine, plus qu'à sa singularité et à sa justesse des décors, Café society tient à ce talent qu'à toujours eu Woody Allen de nous offrir une parcelle de rêve et de maquiller le drame avec l'humour.
     
    Café society, mai 2016
  • Vice-Versa des studios Pixar

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    A la vue des critiques laudatives qui prolifèrent depuis la sortie de ce dernier Pixar, ma curiosité a gagné le combat contre cette déferlante médiatique qui considère presque déjà Vice-Versa (ou Inside Out) comme le meilleur Pixar jamais réalisé. Lorsque l'enchantement autour d'un film est quasi unanime, nous le plaçons indéniablement sur un sommet, battit d'ingéniosité et de créativité. Mais le risque de cette sur-estimation s'est révélé à la fin de cette ribambelle d'actions cocasses mais pourtant creuses. Vice-Versa séduisait par un projet des plus ambitieux : après avoir pensé les émotions de nos jouets d'enfants, de notre poisson de compagnie, de nos véhicules ou encore du monstre dans notre placard, il s'intéresse aux émotions DE nos émotions. Et la triste ironie est qu'il ne s'en développe aucune. Ce qui pourrait être de la compassion pour cette jeune fille, qui déménage et quitte prématurément le berceau de son enfance, relève d'avantage d'une indifférence grandit par un ennui post-découverte. Le scénario s'étire difficilement sur tout le film, rebondit par quelques scènes d'"action", qui le meuble plutôt que de le dynamiser. La matérialisation du monde de Riley, 11 ans, qui s'écroule par des îlots aux diverses caractéristiques est la trouvaille fine qui permet un mouvement aux émotions personnifiées que nous suivons. Étrange de voir que même si les effets et le travail sont là, la magie n'opère pas. A ce que l'action était aux Indestructibles, l'émotions à Là-haut et la sensibilité à WALL-E, Vice-Versa se perd dans plusieurs de ces terrains.

    On découvre, on s'émerveille, on regarde, on se lasse. Peut-être faudra-t-il emprunter un peu d'absurdité aux anciens pour relever la sauce du prochain long-métrage ? Même si l'originalité est appréciable, seul le petit grain de folie peut bouleverser l'écran, car quand il y a folie il y a surprise. Et qu'enfin l'enfant qui est en nous éclate plutôt que de subir les déboires fragilisées d'un tendre compère. 

     

    Vice-versa, juin 2015

  • La tête haute, une délinquance sensible

    Malony a six ans lorsqu'il entre pour la première fois dans le bureau de la Juge des enfants. Il en a dix-huit lorsqu'il referme définitivement la porte. L'entre-deux ? Une période agitée, troublée, vivante, initiatrice et triste, puisque criante de vérité. 

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    La tête haute expose les tourments de la vie d'un jeune garçon, sans déviances mentales, sans passé scabreux, mais pensionnaire d'une image de forte tête par manque d'éducation. Sa préadolescence se rythme de conduites sans permis, encouragées par une mère-enfant qui voit en son fils la présence masculine stable qu'elle n'a jamais eu. Puis dans la lignée des choses et fort d'une prétendue maturité, Malony entame les délits aux conséquences plus lourdes. En somme, les actes pointés du doigt par la majorité de la population. Il ne s'agit pas de sanctionner ou justifier ces comportements dans ce long métrage. Il se veut neutre, à la morale détachée, pour nous inviter à suivre et à s'attacher de notre plein gré à Malony, dont la stature et le charisme étonnent pour son jeune âge. 

    La tête haute est un vent de fraîcheur sur les clichés, confirmés comme écartés, des conditions de vie et des tourments de ces pré-adultes en marge d'une société étiquetée. De la violence entre eux ? Il y en a. Des cris, des insultes, des taquineries, des suivis pas toujours protocolaires, il y en a. Mais ce que les documentaires rattachés à ce sujet peinent à nous montrer, et que le film dissémine subtilement durant ces deux heures d'émotion brute, c'est l'attachement simple mais libérateur qui peut naître entre partisans de la seconde chance et infortunés. L'attachement du Juge des enfants envers ces petits êtres à qui on a retiré la chance de s'épanouir sereinement, les éducateurs, envers leurs fortes têtes adolescentes rebelles et en détresse, les jeunes en centres éducatifs, qui se battent pour se dire je t'aime. Catherine Deneuve y incarne une Juge à la prestance incroyable et au rôle de modérateur pour Malony, pour qui elle éprouve une attache vraie mais impartiale.

    Les conséquences de ses délits, résultant d'un esprit en constante émulation, vont faire germer une conscience qui va l'éduquer. Le film nous montre cet épineuse évolution refrénée par un isolement touchant, car, malgré l'accompagnement, l'écoute, les mains tendues, la rébellion catalyse les états d'âmes de Malony. Puisqu'il n'a pas eu le choix, puisqu'il ne sait pas se livrer. 

    Tantôt par des éternuements au fil d'une tirade, tantôt par des frottements d'yeux et de mots calibrés et minutieux, nous sentons que nous nous approchons du vrai, de l'homme, de l'enfant, et non plus du titre auquel la société l'assigne et sa place sur l'échelle de la société. A cela s'ajoutent l'humour et la persévérance de Malony que l'on quitte adulte, bien qu'il le fut prématurément. 

    La tête haute, d'Emmanuelle Bercot, Mai 2015