J'ai jamais trop compris pourquoi les balafres restaient à vie. Pourtant on en bouffe des coups, à longueur de journée, à chaque minute. Il devrait y avoir une durée limitée pour nos cicatrices, hey toi, petite glissade au bord d'une piscine, qui aura laissé un peu de sang dans cette marre bleue aseptisée, tu ne crois pas que tu devrais laissé la place aux coups de ces trois monsieur, pour qui un regard et un portable étiqueté valaient ces bleus et ces blessures peu distinguées ?
Je recommence.
Je vis dans un pays où il y a la guerre. Non. Je vis dans un pays où l'on se fait la guerre. Dans un pays où la protection côtoie la soumission, bouchez-vous les oreilles nom de Dieu, vous pourriez trop en entendre, vous pourriez trop penser. On pense protéger ma jeunesse mais on l'enrôle dans une corruption dégoulinante de faux-semblants. Et moi je ne vois pas le mal, on me plaque des marques sur la peau, on me pare de bons sentiments, et de mes yeux écarquillés d'enfants, je vois un monde qu'on me dessine. "Cours, garçon, cours", j'ai cette phrase qui résonne dans ma tête, qui gonfle mes veines à m'en rendre nerveux, "Cours, garçon, cours", mais je suis bien, moi, avec Titi et Grosminet, mes deux tortues, je voudrais rester rien que pour avoir encore l'espoir de voir la mer. Tout se confond dans ma tête, je suis nulle part, n'imaginez pas mon pays, il ne ressemble à aucun autre, il n'a pas d'immeuble il n'a que des écrans, il n'a pas de rues il n'y a que des passants. Errant, rouillant, comme leurs membres mécaniques qu'ils ont à la place de la chair. Tout fait de câbles et de petits tuyaux, seule leur tête ressemble à celle des Hommes, comme pour vous faire croire sous leur costume qu'il sont comme vous. Au moins eux n'ont pas de cicatrices. A la moindre collision, tout est réparé. Mais moi elles sont là, pour me rappeler mes erreurs, mon passé, pour me rappeler que je suis fais de sang, de nerfs, que je suis trop agité.
"Cours, garçon, cours". Aujourd'hui, en me réveillant, j'ai senti mes jambes grincer.