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2015 - Page 6

  • Appels entrants illimités au TNG

    Dans une perpétuelle dérision et absurdité se dessine dans les entrailles d'Appels entrants illimités des éclats de noirceurs sur notre condition d'homme. Nous rencontrons trois colocataires, perturbés, aiguisés, presque trop différents pour être réellement ensemble. Un grand, filiforme, qui se pose des questions sur l'humanité, les OGM, qui ne sait jamais quoi répondre lorsque la sonnerie du téléphone retentit et qui parjure la télévision. Un petite, un peu ronde, qui camoufle son hypersensibilité par des déguisements d'homard, de poule ou de jeune fille sûre d'elle. Et une dernière, le dernier lit de Boucle d'Or, banale dans son physique, quoique jolie et un vaniteuse, et irrémédiablement et dépressivement timbrée. Une horreur les rapproche : le monde extérieur, symbolisé sur scène par un tunnel morbide en papier blanc, qu'ils pénètrent toujours en cas d’extrême nécessité. On préférera même vaporiser les poubelles de sent bon plutôt que de les sortir et se confronter à leurs jugements, leurs étiquettes, leurs vies parfaites et bien rangées.

     

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    La pièce s'interrompt frénétiquement par des appels, ou plutôt des courtes phrases assemblées sans logique apparente, qui résument les informations quotidiennes qui nous sont projetés, les faits divers, la guerre, la corruption, le drameNous vivons dans un drame, et leur drame à eux est de trop le savoir. Louis, Anna et Charlotte nous racontent ainsi, avec leurs accents québécois si chaleureux, des petites histoires qui leur sont arrivés. On pense alors à de simples anecdotes, pour discuter, meubler leur refuge, mais nous y décelons des appels au secours. Les gens qu'ils rencontrent, les situations qu'ils vivent, nous cognent à notre conformité. Pourquoi faut-il savoir bien chanter pour monter sur la scène d'un karaoké ? Pourquoi se plier à un cadre qui ne nous est pas pas ajusté ? Pourquoi ne pas pouvoir penser et crier à la société que nous nous aimons, tels que nous sommes ? Ces spécimens voudraient l'amour mais ne reçoivent que des paillettes, du matériel sans âme et sans fond. Appels entrants illimités, c'est un peu résumer la folie et l’enchaînement incontrôlable des jours, des rencontres, des histoires, de notre vie.

    Par delà l'imagination débordante à en époumoner le spectateur qui tente de les suivre, nous en tirons notre propre aperçu de la pièce. Nous choisissons d'en saisir un certain sens, de prendre les bribes de ces dialogues, de choisir de les écouter ou de les comprendre, de se rappeler pourquoi nous sommes venus voir cette pièce, ou pourquoi nous sommes vivants.

    Un véritable chef d'oeuvre.

     

    Appels entrants illimités, mai 2015 au TNG

  • La tête haute, une délinquance sensible

    Malony a six ans lorsqu'il entre pour la première fois dans le bureau de la Juge des enfants. Il en a dix-huit lorsqu'il referme définitivement la porte. L'entre-deux ? Une période agitée, troublée, vivante, initiatrice et triste, puisque criante de vérité. 

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    La tête haute expose les tourments de la vie d'un jeune garçon, sans déviances mentales, sans passé scabreux, mais pensionnaire d'une image de forte tête par manque d'éducation. Sa préadolescence se rythme de conduites sans permis, encouragées par une mère-enfant qui voit en son fils la présence masculine stable qu'elle n'a jamais eu. Puis dans la lignée des choses et fort d'une prétendue maturité, Malony entame les délits aux conséquences plus lourdes. En somme, les actes pointés du doigt par la majorité de la population. Il ne s'agit pas de sanctionner ou justifier ces comportements dans ce long métrage. Il se veut neutre, à la morale détachée, pour nous inviter à suivre et à s'attacher de notre plein gré à Malony, dont la stature et le charisme étonnent pour son jeune âge. 

    La tête haute est un vent de fraîcheur sur les clichés, confirmés comme écartés, des conditions de vie et des tourments de ces pré-adultes en marge d'une société étiquetée. De la violence entre eux ? Il y en a. Des cris, des insultes, des taquineries, des suivis pas toujours protocolaires, il y en a. Mais ce que les documentaires rattachés à ce sujet peinent à nous montrer, et que le film dissémine subtilement durant ces deux heures d'émotion brute, c'est l'attachement simple mais libérateur qui peut naître entre partisans de la seconde chance et infortunés. L'attachement du Juge des enfants envers ces petits êtres à qui on a retiré la chance de s'épanouir sereinement, les éducateurs, envers leurs fortes têtes adolescentes rebelles et en détresse, les jeunes en centres éducatifs, qui se battent pour se dire je t'aime. Catherine Deneuve y incarne une Juge à la prestance incroyable et au rôle de modérateur pour Malony, pour qui elle éprouve une attache vraie mais impartiale.

    Les conséquences de ses délits, résultant d'un esprit en constante émulation, vont faire germer une conscience qui va l'éduquer. Le film nous montre cet épineuse évolution refrénée par un isolement touchant, car, malgré l'accompagnement, l'écoute, les mains tendues, la rébellion catalyse les états d'âmes de Malony. Puisqu'il n'a pas eu le choix, puisqu'il ne sait pas se livrer. 

    Tantôt par des éternuements au fil d'une tirade, tantôt par des frottements d'yeux et de mots calibrés et minutieux, nous sentons que nous nous approchons du vrai, de l'homme, de l'enfant, et non plus du titre auquel la société l'assigne et sa place sur l'échelle de la société. A cela s'ajoutent l'humour et la persévérance de Malony que l'on quitte adulte, bien qu'il le fut prématurément. 

    La tête haute, d'Emmanuelle Bercot, Mai 2015

  • Ouverture de saison du TNP

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    Le TNP, ou Théâtre National Populaire, a ouvert conjointement ses portes à la presse et au public pour la saison 2015-2016 ces mardi 19 et mercredi 20 mai 2015. Un tel engouement pour cette structure et ses dirigeants qu'il n'a été possible pour l'ensemble du public présent hier d'assister à cette ouverture. Deux salles ont été ouverte en visioconférence dans le soucis de satisfaire le plus grand nombre. La salle Jean Vilar, par son atmosphère feutrée aux sièges modestes et encaqués, nous a offert, sinon que l'exclusivité des figures de ce théâtre que sont le directeur et metteur en scène Christian Schiaretti et le directeur artistique Jean-Pierre Jourdain, la sensation de retrouver cette illustre popularité des planches. 

    Ces deux voix, à l'élocution sensible et travaillée, ont ainsi présenté les 22 pièces de cette nouvelle saison, déclinées sous 352 représentations. Un travail titanesque, qui demande aux comédiens/passionnés de s'imprégner de la pièce jouée tout en commençant à maîtriser la suivante. Au programme : des classiques, des créations, des déclinaisons, dans la réflexion permanente du don au public. Donner, pour cultiver, passionner, faire découvrir dans une mise en scène qualitative, donner matière à l'imaginaire, donner l'accès au plus grand nombre avec des pièces intergénérationnelle et adaptées aux plus jeunes, aux scolaires, aux budgets étudiants et aux villeurbannais.

    Une volonté pour le théâtre de choisir des pièces classiques et originales, puisque retravaillées par une plume pointilleuse et piquée. La Chanson de Roland, Electre, Tristan et Yseult, entre autres, s'inscrivent dans la thématique du "berceau de la langue", car le théâtre est, avant d'être un jeu, une écriture. Parallèlement, mais aux antipodes de ces monuments littéraires, se révéleront des œuvres plus singulières telles que Le Dibbouk ou Entre deux mondes, Singspiele, ou encore En courant, dormez !. L'art s'invitera dans les décors, dans la méditation et dans la pudeur du discours. 

    Comme le désir se nourrit de la modération et de l'inconnu, je ne vous en dirait pas plus. Rendez-vous le samedi 7 novembre au sein du TNP, pour une journée de partage et de discussion sur le théâtre public et son usage. 

    Mes compliments à l'organisation pour cette belle soirée d'ouverture.

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