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Pour le dire - Page 35

  • Mort d'un commis voyageur aux Célestins

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    La pièce nous présente une famille, des plus ordinaires : un homme, une femme, deux fils, un adultère, une rivalité fraternelle, et des secrets.

     

    Cette pièce d’Arthur Miller semble intemporelle. Nous découvrons l’histoire sombre des membres de la famille Loman à travers les réminiscences mélancoliques d’un homme arrivé au crépuscule de sa vie. Le passé est un temps qui hante cette pièce, baignant l’atmosphère d’une ambiance oppressante. L’ainé, Biff Loman, cherche à détruire tous ces liens qui rattachent sa famille – notamment son père - au passé, de manière parfois virulente : « Tu veux pas les brûler tous ces rêves bidons ? » s’exclame-t-il face à son père. La notion de consumérisme est également approchée. Le couple achète une quantité importante de biens : frigo, aspirateur, toit… Tous condamnés à l’obsolescence. Ce cercle vicieux est à l’image de l’état psychologique de Willy Loman, perdu entre passé, présent, réalité et fiction. Comment chercher à faire retrouver la raison à un proche lorsque celui-ci est déjà piégé dans les soubresauts de ses souvenirs et pense au plus terrible ? Va alors commencer pour la famille Loman une quête de la vérité, de la reconstruction mentale d’un père et d’un homme aimé.  Par un désir profond de reconnaissance, le commis cherche à comprendre comment un homme peut s’inscrire dans les mémoires : «Ben ? Comment t’as fait ? C’est quoi ton secret ? » S’adresse-t-il au fantôme de son frère. Toutes ces choses qu’il n’a pas vécu, qui le rongent désormais, s’enracinent davantage dans son esprit torturé. Les valises qu’il transporte apparaissent alors comme les souvenirs qui pèsent lourdement sur sa conscience : il porte son fardeau.

    Les Célestins ont admirablement retranscrit l’état de folie du protagoniste par le biais des jeux de lumières, des musiques, des costumes. Malgré les quelques longueurs des monologues du personnage principal nous sommes littéralement happés par la trame dramatique de cette pièce. Et ce jusqu’à la scène finale. 

  • Photographie, tout est photographie.

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    Une grande partie de notre vie est une série d'image.
    Oui, les instants que nous vivons, ou ceux que nous sommes en train de vivre, sont pour la plupart renseignés à l'état de photographies, spontanées, drôles, étranges, floues, neutres, atypiques, illégales, artistiques, et tant d'autres. Il est difficile de se dire, au moment même où nous appuyons sur le déclencheur, que ça y est : ce moment est figé dans le passé. Ce qui est anodin au début devient source de nostalgie dès lors que l'on s'y penche dessus à nouveau. Comment savoir si ces personnes seront toujours là, dans 10 ans ? Dans la vie active ? Lorsque j'aurais des enfants et une vie des moins festives ? Aurais-je toujours les traits qui me caractérisent aujourd'hui ? Deviendrai-je rousse, chauve par la maladie, ou encore vieille ? Vieille. Oui. Car c'est précisément ce qui affecte intrinsèquement cet art popularisé : la finitude. Au fond, nous avons à cœur de rassembler tous ces moments collectifs dans des puces électroniques ou des albums kitsch pour se conforter à l'idée que nous ne sommes pas rien, que notre vie n'est pas vanité. Les photographies nous prouvent le contraire. Nous avons existé, et ces photos existeront toujours, nous serons toujours jeunes, bien accompagnés, rieurs. Mais nous oublions parfois que celles qui ne sont perceptibles par autrui, et confinées dans une partie sensible de notre cerveau, forment les souvenirs les plus impérissables. Du moins, tant que la santé est là. 
  • Extrait - Premières lignes

    CHAPITRE 1

     

    Aujourd’hui, 29 avril 2010, moi, Marine Duprey, je suis morte. C’est une sensation, je dois dire, assez étrange, mais pas comme je l’avais imaginée. S’inscrit en mon moi intérieur, qui m’apparait déjà comme un vague souvenir, une profonde culpabilité.  J’ai l’impression de ne pas avoir fini ce que j’ai vécu durant ces 15 années de mon désormais passé. J’ai tourné une page. Ou plutôt, j’ai fermé mon livre.

     40 jours plus tôt.

    « - Chérie ? Tout va bien ? Quel est ce bruit ? »

    Tu devrais être habituée, maman. Comme tous les matins, j’ai renversé mon réveil. Je déteste le matin, et particulièrement cette sonnerie stridente qui nous oblige, encore lovés dans nos draps chauds, à émerger d’un rêve où la pluie laissait place à une coulée de chocolat et dans lequel le garçon de nos rêves en venait à nous supplier de lui adresser un regard. Thomas More m’aurait probablement dédié son Utopie.

    « - Marine, tu n’as pas encore renversé ton réveil ? »

    Bingo.