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Pour le dire - Page 34

  • The Grand Budapest Hotel

     

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    Le dernier né de Wes Anderson est l'association haute en couleur d'acteurs triés sur le volet et d'un scénario complètement déjanté. Nous remontons dans le temps à travers les mémoires d'un jeune garçon de service au crochet du concierge, Gustave H, dont la classe inégalée le maintient dans l'illusion poétique d'une humanité en qui il est bon d'avoir foi. La suite ? Loufoque, imprévisible, génialissimement drôle, étrange, et naturellement exempt de scènes logiques. Une course effrénée entre un malfrat à ski et deux héros accrochés à la luge du saint de l'Eglise où il se trouvaient, tout cela sur une piste de jeu d'hiver, devient tout à fait banal lorsque la plume est signée Wes Anderson. Happés par l’enchaînement de causes qui ont conduites le lobby boy à prendre les rênes de ce palace, succédant l’étonnant et émouvant Gustave H, nous restons bouche bée, l'oeil scintillant, près à en recevoir toujours plus. Après le charmant Moonrise Kingdom, comptant les aventures d'un jeune scoot et d'une fillette dans l'innocence des premières amours, Wes Anderson nous emporte dans un univers tout à fait différent mais dont on retrouve toute l'ingéniosité et la folie créatrice du scénariste.

     

    The Grand Budapest Hotel, mars 2014

  • Cosmos

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    Cosmos nous raconte l'histoire d'un homme, d'âge moyen, prénommé Witold. Un homme quittant son foyer en quête de réponses à ses bouleversements intérieurs. Il rencontre alors celui qui va devenir son camarade d'excursion et trouve repos dans une auberge familiale campagnarde. Tout semblerait paisible s'il n'y avait pas cet étrange phénomène de pendaison tout autour de la maison mère. Un oiseau. Un chat. Et après à qui le tour ? Au père, cinquantenaire en embonpoint dont les monologues sarcastiques glacent les repas familiaux ? A la fille, récemment mariée, au regard plein de malice ?  
    Le titre nous donne l'impression que l'on va s'échapper, sortir des sentiers battus et prosaïques de certaines pièces. Pari échoué. La pièce est originale mais la mise en scène relève de mon point de vue d'un artifice creux et facile. L'utilisation d'un écran dès le lever de rideau me provoque un mimique de dégoût : si nous venons au théâtre n'est-ce précisément pas pour échapper au numérique et aux prises prolifiques exempt de défauts ? Or nous est présenté sur un écran plat des personnes, des animaux, des points de vue sur des paysages et pieds foulant les graviers. On note tout de même une recherche esthétique et poétique, mais cela n'accroche pas. La lenteur de la pièce devient pesante. Illustre-t-elle la monotonie et l'impassibilité du personnage principal ? Celui-ci, physiquement absent, nous accompagne d'une voix off qui commente les faits et gestes de chaque protagoniste. Cette absence implique que nous, spectateurs, formions le corps du héros à qui s'adressent les membres de la pièce. Mais bizarrement, ça ne prend pas. 
    Le plateau se met régulièrement à tourner autour de la scène centrale. Cela sonne le moment où chacun mène sa vie sans se soucier de l'autre, sans se croiser. Les sentiments et l'empathie disparaissent pour accueillir le mal-être les soupçons. Un cafouillis général entre alors en scène : des protagonistes déguisés en bouches, en chat, et en extraterrestre. Un mari qui caresse obscènement sa femme. Un écran rond qui nous immisce dans l'esprit torturé de Witold. Non, vraiment, trop c'est trop. 
    En zieutant les divers publics, étant prise d'un ennui qui a décidé de poser ses valises, je m'aperçois que la singularité de la pièce ne provoque pas l'effet escompté de leurs côtés aussi : regards somnolents, rires nerveux entre amis, et voilà qu'un couple se lève et ne emportent avec eux 'un claquement de porte roque. 
    Les Célestins m'auront pour la première fois laissé perplexe face à leur dramaturgie.
     
     
    Cosmos, au Théâtre des Célestins, février-mars 2014.
     
     

     

     

     

  • Extrait - Alexandre

    CHAPITRE 1

     

    Les cours se terminent enfin. Un contrôle de mathématiques raté ajouté à un épuisement total qui tend à se multiplier sous la quantité prolifique de devoirs pour demain.

    «  - Marine ! Tu n’as vraiment pas l’air en forme aujourd’hui, ça va ? Me demanda Anne-So, une fidèle compagne dans ce lieu glauque qu’est le collège.

    -  Pas terrible, non. Mon avis réservé de passage en seconde vient probablement de prendre ses valises pour laisser place à l’avis « Vous vous fichez de nous mademoiselle Duprey ?! 

    - Non ne t’en fais pas, je suis sûre que tout ira bien ! Dit-elle en esquissant un sourire de complaisance.

    - C’est toi qui le dis. »

    A peine ais-je eu le temps de croiser son regard empli de gêne qu’une main mystérieuse vient à l’encontre de mon épaule droite. Est-ce moi ou il y a une pancarte « Abordez-moi » suspendue à mes omoplates ?

    «  - Et bien Marine, qu’est ce que tu cherches derrière ton dos ? Bref, j’ai une nouvelle astronomique ! Alex n’est plus en couple ! La voie est libre on dirait bien. »

    Emilie, sans doute ma plus grande compère, celle avec qui j’ai toujours tout partagé, de notre désir mutuel pour Alexandre, blond aux yeux anisés, aux cartons cumulés dans les matières dites scientifiques, jusqu’à la dernière danette au caramel de la cantine. Alex, ah, Alex. Un mannequin projeté sous les caméras hollywoodiennes pour la qualité éblouissante de sa dentition ne saurait le détrôner.  

    «  - J’ai une amie qui le connait bien, ajouta-t-elle. Elle pourra toujours t’aider, un coup de foudre aussi durable que le tiens vaut même le coup que je m’attarde sur quelques autres proies !

    - Qui ne tente rien, c’est vrai. Et puis si ça ne marche pas je pourrai toujours me rabattre sur Céleste ! »

    Fou rire général. Pour ce qui est du don de mère nature, Céleste ne fut pas des plus hauts placés dans la pyramide de la beauté. Saupoudrez le tout d’un caractère exécrable et vous obtiendrez le garçon sans doute le plus détestable, qui se plait à être détesté, que le collège Albert Camus n’ait abrité. Ce sont ce genre de personnes qui me donne sincèrement de la compassion pour les mal-aimés récurrents qui, eux, n’ont rien fait pour mériter cela. Peinture stéréotypée de l’ambiance d’un collège qui est cependant toujours d’actualité en 2009.

    Enfin, revenons à l’information capitale de la journée, voire de la décennie : le célibat d’Alex. Oui, bon, je vous entends d’ici soupirer : « Oh que cette jeune fille est cul-cul la praline ». Peut-être que vous avez raison. Vous avez raison. Mais le problème avec l’amour, c’est qu’il est incontrôlable. Et quand nos yeux d’adolescente fleur bleue habitués aux love story de série B décident de ne plus quitter ce jeune homme, qui provoque toujours un déchaînement cardiaque post-marathon après plusieurs années, je me dis qu’à moins de vivre pour le drame, je ferrais mieux de commencer à tâter le terrain. Que dis-je, à me lancer une bonne fois pour toute.

    « - C’est gentil Emilie mais je ne me verrais pas passer par une tierce personne. Je pense que c’est à moi de prendre des initiatives, repris-je après que les commérages sur les derniers exploits de Céleste se soient essoufflés.

    - Quoi, s’étouffa-t-elle, mais ce serait un coup de pouce énorme ! Bon, tu me tiens au courant, je dois filer. A plus ! »

    Balançant ses longs cheveux ambrés sur son blouson en similicuir corbeau, mademoiselle rumeur repartit à l’affut de personnes voulant - ou ne voulant pas - tout savoir du couple d’un tel, de la soirée d’une telle ou du crêpage de chignon à venir.

    - Anne-So, je te laisse, fis-je en me tournant brutalement vers elle, l’air vainqueur, j’ai décidé de faire le grand saut, je m’achète un nouveau réveil ! A travers les milles et unes fissures de ce pauvre rescapé c’est à peine si je distingue la petite aiguille de la grande.

    - Et bien, bonne quête !

    - Muchas gracias, m’exclamais-je au loin, sourire jusqu’aux oreilles, depuis le passage piéton du collège. »

     

    Soudain. Un instant. Une seconde qui dure des heures. Alex, au téléphone, à quelques centimètres. Je sens sa parka se frotter contre mes épaules frêles et tremblotantes, puis un regard incroyablement doux vient se poser sur moi. C’est sans doute ça que l’on ressent quelques secondes avant sa mort, on voit sa vie défiler sur une pellicule photographique qui se déroule, déroule, à n’en plus finir. Puis c’est la lumière. C’est exactement la même sensation, mais avec une panoplie de sentiments qui se colorent les uns les autres.

    Le goudron du trottoir à peine frôlé, je brandis mon portable d’un réflexe maladroit.

    « - Quelle est le nom de cette fameuse amie,  Emilie ? »

     

     

    Joy. Elle s’appelle Joy, sa meilleure amie.