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Pour le dire - Page 36

  • Gallienne, le virtuose de la comédie française

     

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    "Les garçons et Guillaume, à table !". Avant même d'entrer dans la salle confinée du cinéma, je sens que l'originalité du titre n'est que l'introduction de ce qui va en découler. Et le miracle agit. Chacune de ces minutes portées par le brillant Guillaume Gallienne s'inscrit dans ce qui pourrait être le meilleur scénario de ces dernières années. Il pose sur écran une question paradoxale et épineuse : comment détourner les appréciations à notre égard alors que nous agissons conformément à ce que l'on attend de nous ? Tantôt sur les planchers du théâtre où la lumière éblouissante remplace le public, tantôt dans des décors richissimes et variés, l'acteur-scénariste nous livre avec émotion sa condition d'homme. Et sa condition de femme. On jubile, on s'esclaffe, on s'attache à ce personnage au parcours des plus atypiques qui l'a mené au métier d'acteur. Et quel autre rôle peut-on mieux interpréter que celui de notre propre vie ? A travers ses doubles - de sa mère, omniprésente, à l'impératrice Sisi - tout aussi hilarants qu'inquiétants pour la santé mentale du jeune homme, nous entrons avec un détachement assuré dans l'intimité de Guillaume Gallienne. Et le plaisir nous retient jusqu'au fermé de rideaux.

    Je vous conseille assurément de vous rendre dans votre cinéma de prédilection afin de découvrir cette dernière pépite française.

     

    Les garçons et Guillaume, à table ! actuellement au cinéma.

  • Miyazaki

     

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    Hayao Miyazaki. Un réalisateur japonais de films d’animation comme il en existe peu. Il réalisa un peu plus d’une vingtaine de « dessin animés » dès la fin des années 1990. Il serait cependant terriblement réducteur de les comparer à de vulgaires animations enfantines. Je privilégierais davantage le mot « œuvre » : ses travaux relèventd’un talent inégalable en Occident. Véritables odes à la vie, au rapport qu’à l’homme avec son égal, les animaux ou les objets qui les entourent, ils véhiculent une sensibilité incroyable. Sous une portée écologique propre à la culture asiatique, Nausicaa et la vallée du vent, Ponyo sur la falaise, Le château dans le ciel, sont les récits de la soif avide de l’homme qui en demande toujours plus au péril de la nature.

    Miyazaki n’écrit pas uniquement pour le public à qui s’adresse généralement les films d’animation. Bien au contraire, les vices de l’homme y sont généralement transposés. Le voyage de Chihiro nous conte le périple d’une jeune fille pleine de malice dans un univers incertain, dans lequel ses parents ne pénétrons jamais car à peine arrivés ils convoitent les garnitures superficielles exposées dès l’entrée de cet étrange bâtiment. A force de s’empiffrer, semblable à la surconsommation qui affecte les pays les plus aisés, ils en deviennent des porcs. Cette scène est assez poignante dans le regard d’un jeune enfant. Le château dans le ciel illustre la folie des dirigeants à convoiter toujours plus que ce qu’ils n’ont, quitte à surpasser sur les frontières terrestres. Celui à qui on destine aux premiers abords le mauvais rôle n’est pas toujours le plus noir à l’intérieur : un sourire de complaisance peut être la façade édulcorée d’une âme monstrueuse. Princesse mononoké se situe dans le même registre que Le voyage de Chihiro, avec la quête éternelle de l’immortalité.

    Il n’y a pas de véritables mots pour décrire les sensations que certains films nous procurent. Ils évoquent pour ma part la nostalgie d’une époque, et les frissons provoqués par une bande son captivante et émouvante. Plusieurs années se sont écoulées depuis, et je ne cesse de répéter que les Miyazaki, père et fils, sont de ceux qui laissent une empreinte cinématographique indélébile sur notre cœur. L’essor considérable des films en 3D m’évertue à penser que je ferai découvrir ces chefs d’œuvres à mes enfants, pour ne pas qu’ils tombent dans l’oubli. Si vous ne devez en retenir que quelques uns, je vous conseille avant tout Le voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, et Le château ambulant. Ce sont de ces rares instants qui nous donnent encore l’illusion que tout est réalisable, et réveille le petit enfant qui sommeille en chacun de nous. 

     

    Ci-joint la bande annonce du Voyage de Chihiro :

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    La musique originale du Château dans le Ciel :

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  • Extrait - Sa maison était immense

    CHAPITRE 4 

     

    Sa maison était immense, sobre, élégante. Autant dire à l’image d’Alex. J’étais assez impressionnée, ce qui est un phénomène rare. Quand nous visitons de nouveaux lieux avec ma mère, celle-ci commente constamment le décor dans lequel nous nous trouvons par des exclamations telles que « Marine ! Regarde là-bas ! », « oh ! Tu as vu cette fresque ! » ou encore « regarde ces colonnes ! Et ces mosaïques ! ». Cela a le don de m’exaspérer et la phase suivant ses paroles prolifiques est celle de l’indifférence. Nait alors en elle une incompréhension dont se dégage un soupir taillant davantage le fossé entre elle et moi. Mais ces disputes sont un quotidien supportable. Et relatées aux seuls faits marquants de ma famille, étant donné que nous ne sommes pour la plupart que très peu familiarisé avec ce bidule noir à deux hémisphères pendu au bout d’un fil.

    C’est étrange comme Dieu - tiens, je m’étais juré de ne plus prononcer son nom - a l’égoïste tendance de s’accaparer les meilleurs êtres qu’il y a sur Terre pour les mettre à ses côtés. Je n’ai pas connu beaucoup de décès autour de moi. Celui de mon grand-père en valait mille. Et pourtant, je n’imaginais pas ressentir un tel vide de son vivant une fois cette ombre de noir vêtu arrivée pour lui extirper son dernier souffle. D’une nature enjouée et empathique, j’ai l’habitude de me réfugier derrière des sourires, adressant le message « tout va bien ». Certaines personnes m’envient pour l’aisance que j’ai à échanger avec autrui. Mais je ne le souhaite à personne, ni à ces filles superficielles que je raille avec Emilie, ni à ces pauvres garçons immatures de vivre un tel drame pour avoir une toute autre conception de la vie et des rapports humains.

    Toutes ces photos disposées sur la commode d’entrée de la maison d’Alex m’arrachent un bout de mon cœur. Ce bout se place peu à peu au fond de mon estomac, formant une boule, qu’il m’est impossible de faire partir. Cette boule qui me rappelle combien la vie peut parfois être injuste.

    « - Marine ? Qu’est ce que tu as ?

    - Quoi ? »

    Au son de ma voix coupée par cette vague soudaine de mélancolie, je réalise que je dois afficher une mine de déterrée. Moi qui me faisais une joie de découvrir l’intimité meublée d’Alex.

    « - Excuse-moi, repris-je doucement, ce n’est qu’une petite remontée de souvenirs, toutes ces photos de famille me rappellent que je n’en ai jamais vraiment eu une…

    - Si ça peut te consoler, reprit-il sur un ton encore plus grave que le mien, sache que ces portraits ne valent désormais plus rien pour moi.

    - Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

    - Il n’y a pas si longtemps, continua-t-il en me prenant la main pour me faire asseoir sur le canapé en cuir noir qui jonchait le salon, j’ai appris que mes parents actuels ne sont pas mes parents biologiques. J’ai été adopté, Marine. Mais ils ne savent pas encore que je suis au courant, en fait, tu es la seule. »

    Je lui adressai un sourire, sans doute le plus sincère depuis bien longtemps, plus sincère que celui accordé à ma mère pour lui dire que ses mensonges aberrants m’apparaissait comme une simple vérité, plus que celui de Joy quand je l’ai vu à l’hôpital, qui cachait la peur et le remord de ce que j’avais provoqué. Oui, ce sourire était sincère. Celui qu’il m’offrit en retour, je ne le saurais jamais. Mais je me plais à croire qu’il provenait d’un organe similaire : du cœur.