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biopic

  • Comment c'est loin d'Orelsan et Gringe

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    "Un jour on est venu au monde, depuis on attend que le monde vienne à nous" ces paroles qui entament la dernière chanson des Casseurs Flowters, le groupe de rap français d'Orelsan et Gringe, est la philosophie générale de leur long-métrage Comment c'est loin. Leur gloire fut de briller lors d'une improvisation à la radio de rap locale. A présent ils raniment sans cesse un feu qui s'éternise depuis deux ans. Leur quotidien est un brouillard mêlant mégot de cigarette rallumé du lendemain et amitié nébuleuse, entre conflits et dépendance. Comment c'est loin est l'un ovni des grands écrans de la rentrée, reculé des grandes affiches américaines et des étoiles montantes du cinéma français. C'est un besoin de faire le point, une envie d'expression, d'aventure, mettant de côté les motivations souterraines des paillettes du 7ème art. Les deux rappeurs retracent leur histoire en musique avec l'humilité d'un documentaire et la poésie d'une épopée chansonnière.
    Le travail, la famille, l'amour, les conflits, les sujets s'entremêlent dans une décontraction déroutante : il s'agit de leur avenir, à l'aube d'une trentaine trop vite arrivée, mais la caméra les suit dans leurs déboires, inlassablement futiles et désengagées.

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    Comment c'est loin met en scène des personnes réelles qui percent véritablement l'écran, on pourrait presque se voir dans leur bar du jeudi soir ou avachi dans leur canapé empalé. Orelsan et Gringe, Aurélien et Guillaume, c'est nous. Ce n'est pas la gloire, ce ne sont pas les paillettes ni le quotidien doré de chanteurs qui ont conquis un certain public. Ce sont des performeurs qui ont voulu gravir les échelons de la notoriété plutôt que ceux de l'échelle sociale. C'est un plaisir à écouter, et désormais à voir. Ce film est la matérialisation de leurs fonctionnement en tant qu'artistes et en tant qu'hommes, ils en font le minimum exigé, ne dépensent pas plus que leurs besoins réels, se traînent là où leurs pieds ont déjà marché et où l'histoire s'est déjà écrite, et touchent ainsi leur public. Le choix juste et efficace de filmer les camarades côtoyés pendant leur période de création apportent fraîcheur et authenticité au film. Le décors joue également un rôle important, car il est le berceau de leur réussite et la ville natale d'un des chanteurs. Il y a une véritable réflexion sur le choix des lieux, des heures auxquelles les plans se tournent, des rues qui cadreront telle ou telle scène, camouflée sous couvert d'une nonchalance maîtrisée. Une culture geek et paresseuse qui plaira au public averti, aux amateurs de comédies simples et franches et à ceux qui à sept heure du matin enfilent leur pyjama plutôt que leur bleu de travail. 

     

    Comment c'est loin, janvier 2016

  • The Walk Rêver Plus Haut de Robert Zemeckis

    Funambuliste : acrobate équilibriste exécutant des exercices sur un câble tendu à grande hauteur.

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    Comme le spectacle à taille humaine ne lui suffisait plus, c'est entre les tours jumelles de New York que Philippe Petit, funambuliste impétueux, osa tendre son fil il y a quarante ans.

    Le réalisateur Robert Zemeckis semble s'asseoir sur ses exploits passés en réalisant un film visuel, au péril de l'écriture. 
    L'impression amère d'une retranscription fade et abusée de l'exploit de ce voltigeur se mute en fin de parcours en indifférence, séquencée par quelques soupirs ou écarquillements. Le long métrage aurait pu explorer davantage les lois de l’apesanteur, nous couper le souffle à chaque pas sur ce fil qui frôle la mort. Mieux, amplifier les sentiments des personnages, du désir insensé muté en obsession de Philippe Petit, à la contemplation muette puis envieuse de sa compagne Annie. Explorer, sonder, exposer finalement ses personnages de matière frontale, et ne survoler que le paysage. Robert Zemeckis fait le contraire. Peut-on parler de biopic lorsque le cadre dans lequel évolue le héros marche sur les plates-bandes de sa propre histoire ? 

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    La motivation et le talent ne réussissent pas à faire briller ces têtes d'affiches, qui, en bons professionnels, se contentent du minimum imposé. L'immersion se s'amorce tout de même grâce au talent sensible des acteurs, notamment des seconds rôles, qui s'efforcent à ne pas donner l'envie aux spectateurs de sauter dans le vide.  Nous sentons l'envie d'en dire plus, et ce ne sont pourtant pas les minutes et les moyens qui manquent au réalisateur. 
     Les décors, travaillés dans un Paris des années 70, où la restitution des petits quartiers est aussi nette que celle des immenses tours jumelles métallisées de New York, marquent les points positifs de The Walk. Même si nous avons parfois le sentiment d'y prendre racine pour qu'on nous laisse le temps d'observer chaque détail.
     
    Une aventure hors du commun mais un long métrage qui s'apparenterait presque à une fiche informative, déroulée sur deux heures. Décevant et frustrant.
  • Martin Scorsese, une figure humble du cinéma

    Nous connaissons Martin Scorsese pour ses films débordant d'audace, pour sa plume qui signe les répliques cultes comme "You fuck my wife" de Raging Bull ou le "You talking to me ?" de Taxi Driver. Des décors surréalistes au minimalisme familial, Martin Scorsese a toujours pensé le cinéma comme une fenêtre sur le monde. Cet art fut pour lui, jeune garçon asthmatique cloîtré sinon que dans sa chambre dans les murs d'une projection, le moyen de faire le lien avec les autres arts qu'il ne connaissait pas, comme la musique, la danse, la littérature. Il y a pour lui quelque chose d'excitant dans le cinéma, qui dépasse l'esthétisme. Il lui permet de découvrir comment monter, écrire et tourner, puis au fur et à mesure de s'ouvrir à des personnes, des cultures, de s'enrichir des savoir-faire et savoir-être des gens qu'il côtoie. 

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    Scorsese va alors fréquenter les plus grands, entrer dans ce milieu show-biz, illustré dans New York New York. Il s'alimente de ces repas guindés comme de son envie d'en faire toujours plus, d'explorer d'autres thèmes, de construire sur du désert. Mais cela ne va pas s'avérer toujours payant.

    Il traverse une période de doute de cinq ans dans les années 80, suite à Raging Bull. "Tu sais, tu n'es plus drôlelui dira un soir le peintre Andy Warhol, au détour d'une soirée qui se termine dans une voiture commune. Il s'aperçoit alors qu'il partage les mêmes dîners que certaines figures populaires de l'époque, mais que leurs mondes sont totalement opposés.

    Un regain d'intérêt va lui remettre le pied à l'étrier. Travailler avec Martin Scorsese suscite les convoitises. Spectateurs comme collaborateurs veulent voir "du Scorsese", garder cette trace déjà présente dans les esprits pour continuer à grandir le cinéma. 

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    "Quand je veux créer, l'imagination devient le moteur de ma création" ajoute cet ancien gamin sans grande fortune, qui dessinait des histoires à partir de bandes dessinées des dernières pages du journal. Il s'est tout jeune demander comment créer de l'animation à partir d'images fixes, et a commencé à étudier autour de cet art qui lui était accessible. Il a appris des techniques, le vocabulaire du récit, dans une Little Italy à New York où l'enthousiasme était palpable. Il y avait une réelle unité de cinéphiles, qui lui ont conforté à l'idée qu'il "pourrait faire des films", même avec des petites caméras.

    On se demande alors de quoi Martin Scorsese tire sa différence. Lui-même ne le sait pas vraiment. Dès qu'une idée, un thème, lui traversait l'esprit, il en découlait un film toujours à part des oeuvres déjà existantes. Ses films sont indépendants du système hollywoodien alors qu'il réussit et se plaît à filmer les mêmes sujets. Certaines revues spécialisées se sont gardés de cette popularité quasi unanime en l'étiquetant de "sale gosse du cinéma" dans ses jeunes années, avançant qu'il a appris et non vécu le cinéma. Or Scorsese porte un regard droit sur ces qualificatifs peu flatteurs en se donnant une légitimité : "nous n'avons pas besoin de le vivre pour en parler". 

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    Ce qui élèvent les œuvres du cinéaste, c'est aussi sa manière de s'imprégner du monde qu'il met en scène, le faire renaître à travers son regard jusqu'à nos  propres yeux. Il simplifie notre rapport au monde, aux catégories sociales, et simplifie le quotidien de grands businessman, de mafieux, de sportifs de renom, de vedettes, pour les rendre finalement plus humain. Sa doctrine est de voir l'humour dans la noirceur, de montrer sans juger. 

    A 48 heures de la fin du festival Lumière, nous laissons repartir une personnalité forte et généreuse, à la tête pleine de nouveaux projets. Parmi eux, "Vinyl" série rock'n roll axée sur le sexe, la musique, la drogue et la violence co-réalisée avec Mick Jagger, qui sera diffusée en janvier 2016. Et encore plus prometteur, "The Irish man" avec Robert De Niro. Les recherches actuelles de financement devraient pouvoir s'écourter dès l'annonce officielle auprès des collaborateurs fidèles à l'art Scorsesien.

     

    Propos recueillis en Master Class Martin Scorsese - Théatre des Célestins - Octobre 2015