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Loisirs - Page 12

  • Les nouveaux sauvages, de Damian Szifron

    les-nouveaux-sauvages-resize.jpg        Un enchaînement de situations loufoques causées par un débordement psychologique : Les nouveaux sauvages capturent dans l’absurdité la plus totale le pas franchi entre la civilité et le pétage de plombs. Une succession d’histoires pathétiquement drôles nous tient en haleine et nous surprend par l’art de nous faire pénétrer dans ces esprits torturés par la pression, la colère, l’angoisse, la famille, la vie. Jusqu’où sommes-nous capable d’aller quand on pense ne plus rien devoir à personne ? La trame emporte avec sa folie démesurée une séduction coriace.

    Chaque personnage semble emprisonné dans un circuit fermé qui ne peut le mener qu’à leur destruction. Leur état tellement second devient pour certains une délivrance, qui les plonge dans un état de grâce par une satisfaction vicieuse : cogner, insulter, commettre l’irréparable deviennent les uniques réponses de leur cercle infernal. Ajoutez à cela des répliques cinglantes, et vous obtenez un cocktail énergique qui nous prend aux tripes. Les nouveaux sauvages ont l’art et la manière de nous faire passer un message paradoxal : être civilisé est un moyen de ne pas se laisser emporter par des comportements ou des situations pas toujours protocolaires. C’est bien de cela qu’il s’agit : les personnages de Damian Szifron refusent l’étiquetage, du bon citoyen qui paye, de la mariée qui accuse le coup face aux déviances passées de celui qui va être son époux. Ces situations improbables dévoilent subtilement les tares de notre époque, par toutes ces personnes surmenées, assignées au terme généraliste «dépression » qui évite de se pencher sur le problème. Les nouveaux sauvages sont la revanche saignante de ces citoyens laissés pour compte.

    Le réalisateur ne tombe jamais dans la caricature tant les actes sont irréfléchis et parfois en dehors de toute logique et expectations. Ce tourbillon de tranches de vies nous donnerait presque envie de relativiser nos petits problèmes du quotidien.

     

    Les nouveaux sauvages, janvier 2015

  • Hunger Games - La Révolte (partie 1)

    Nous quittions Katniss Everdeen en 2013 avec la foudroyante nouvelle de la disparition du district 12. 
    Que se passe-t-il, après que le monde qu'on nous avait façonné a disparu ? Se soumettre, se cacher, ou faire entendre sa voix ? Comment combattre ceux qui détiennent nos ficelles tout en se résignant à ne plus agir au péril de ses proches désormais saufs ? Katniss, meurtrie, va être utilisée comme un emblème révolutionnaire au dépend de sa volonté première.
    Les récentes nouvelles creusent une faille chez la gagnante, formant un accès exploitable pour les meneurs de la révolution. Manipulée et vernie d'une couche superficielle de bonnes intentions, la jeune fille ne semble être que la marionnette d'un combat entre méchants et gentils.
    C'est le tableau manichéen que nous dépeint le réalisateur : les dirigeants, aux cœurs de pierre et aux armes redoutables, et les résistants de l'ombre tentant de faire flancher le système établit il y a 75 ans. Cette facilité scénaristique tente de trouver du piment avec une approche plus psychologique qui contraste avec les deux volets précédents. En effet, le contexte fait que nous sommes davantage en proie à nous familiariser avec les sentiments de Katniss, qui semble plus mise à l'épreuve que jamais.
    Cet épisode soulève la question du manque. Lors des Hunger Games, le danger guettait perpétuellement Katniss mais celle-ci gardait une force déroutante, car son partenaire Peeta représentait une jauge d'énergie inépuisable tant qu'il restait à ses côtés. Étonnamment, nous n'arrivons toujours pas à nous identifier pleinement à ce personnage qui déambule dans les catacombes de son ancienne vie sans savoir comment aider toutes ces personnes souffrantes et en sachant qu'elle est le pion d'un jeu douteux. Il en est de même pour sa vie sentimentale, dans laquelle elle se perd entre l'envie de revoir celui qu'elle a appris à aimer et celui qui est à ses côtés. 
    Les tentatives d'atteindre psychologiquement l’héroïne ont donc porté leur fruit et nous laisse un gout amer de déception : qu'est-il arrivé à cette guerrière au cœur sur la main pour qui nous avions fait rouler une larme à la mort de Rue ou que nous avions soutenue dans son envie de détruire le terrain de jeu morbide du Capitole ?
    Les tournoiements de son esprit la ridiculisent presque et ne nous donnent plus vraiment envie de s’intéresser à son sort, malgré le suspense maladroit de la scène finale. Les penchants politiques de cette première partie instaurent un climat de guerre imminente et nous donnent l'impression que les talents des producteurs ont volontairement été étouffés pour nous réserver une fin haute en couleur. Le challenge est donc de taille pour la toute dernière partie de cette trilogie qui reste néanmoins captivante.

  • La Maison près du Lac de Yael Rasooly

    "L'histoire se passe en Europe Centrale,  il n'y a pas si longtemps" le récit débute, oscillant entre chants de cabaret et conte pour enfant, par la moyenne des trois sœurs qu'abrite cette maison. Trois soeurs aux caractères bien trempés à qui on a enseigné les bonnes manières et les leçons pour devenir des demoiselles bien éduquées. Mais leur innocence est voilée par l'attente du retour d'une mère disparue depuis bien trop longtemps. Sans prévenir. Sans leur avoir laissé de quoi manger.

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    Les journées défilent et les sœurs se plient à une mécanique quotidienne de leçons de grammaire, de danse classique, de musique et de langues. La vie se passe, la poésie accompagne leur routine. Petit à petit, leurs doigts se mêlent aux touches du piano, ce ne sont plus leurs poupées qui font l'intermédiaire avec les objets mais leurs propres membres qui glissent dans le stoïcisme : elles deviennent les objets de leur maison, qui n'ont plus de cœurs pour penser ou de cerveau pour sentir leur creux au ventre. Le temps du jeu est révolu, la tête de leurs poupées est arrachée et leurs corps soudés à ceux des fillettes créant un décors mirifique et terrible. Elles sont désormais ces poupées avec lesquelles elles s'amusaient lorsqu'elles formaient une famille heureuse et complète. 

    L'hiver vient assombrir ce fragile univers, portant dans son épais manteau l'effroyable vérité : leur mère ne reviendra plus. Yael Rasooly dévoile artistiquement l’horreur de la rafle et les faits véridiques d'enfants laissés pour compte ou forcés à se cacher dans de lugubres endroits durant des mois. Elle dépeint trois jeunes filles, probablement de 6, 8 et 10 ans, dont la force mentale surpasse leurs maigres années. Imaginant, pour ne pas perdre espoir, qu'un prince viendra les sauver, s'amusant d'un rien et se délectant de repas faits de restes émiettés. Leur candeur s'envole dans une métaphore d'ange voilé de blanc qui les enlace. L'enfance meurt avant que leur corps ne les lâche.

    Et une nuit, enfin, quelqu'un frappe à la porte. Est-ce leur mère ? Ces hommes vêtus d'uniformes militaires ? Ou bien la mort, venue les délivrer ?

     

    La Maison près du Lac, mi-novembre 2014 au TNG