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Film - Page 3

  • The Walk Rêver Plus Haut de Robert Zemeckis

    Funambuliste : acrobate équilibriste exécutant des exercices sur un câble tendu à grande hauteur.

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    Comme le spectacle à taille humaine ne lui suffisait plus, c'est entre les tours jumelles de New York que Philippe Petit, funambuliste impétueux, osa tendre son fil il y a quarante ans.

    Le réalisateur Robert Zemeckis semble s'asseoir sur ses exploits passés en réalisant un film visuel, au péril de l'écriture. 
    L'impression amère d'une retranscription fade et abusée de l'exploit de ce voltigeur se mute en fin de parcours en indifférence, séquencée par quelques soupirs ou écarquillements. Le long métrage aurait pu explorer davantage les lois de l’apesanteur, nous couper le souffle à chaque pas sur ce fil qui frôle la mort. Mieux, amplifier les sentiments des personnages, du désir insensé muté en obsession de Philippe Petit, à la contemplation muette puis envieuse de sa compagne Annie. Explorer, sonder, exposer finalement ses personnages de matière frontale, et ne survoler que le paysage. Robert Zemeckis fait le contraire. Peut-on parler de biopic lorsque le cadre dans lequel évolue le héros marche sur les plates-bandes de sa propre histoire ? 

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    La motivation et le talent ne réussissent pas à faire briller ces têtes d'affiches, qui, en bons professionnels, se contentent du minimum imposé. L'immersion se s'amorce tout de même grâce au talent sensible des acteurs, notamment des seconds rôles, qui s'efforcent à ne pas donner l'envie aux spectateurs de sauter dans le vide.  Nous sentons l'envie d'en dire plus, et ce ne sont pourtant pas les minutes et les moyens qui manquent au réalisateur. 
     Les décors, travaillés dans un Paris des années 70, où la restitution des petits quartiers est aussi nette que celle des immenses tours jumelles métallisées de New York, marquent les points positifs de The Walk. Même si nous avons parfois le sentiment d'y prendre racine pour qu'on nous laisse le temps d'observer chaque détail.
     
    Une aventure hors du commun mais un long métrage qui s'apparenterait presque à une fiche informative, déroulée sur deux heures. Décevant et frustrant.
  • Boomerang, le thriller au souffle vendéen

    Les secrets de famille, quoi de plus classique. On se ment gentiment, se pavane subtilement, on refoule le passé si profondément qu'il nous pourrit sans que nous n'y prêtions attention. Dans Boomerang, ce passé se nomme Noirmoutier.

    En retournant sur les lieux de son enfance, Antoine, incarné par Laurent Lafitte, se replonge dans son enfance et celle de sa sœur, Agathe, jouée par Mélanie Laurent. Des bribes floues et illogiques viennent tourmenter son envie d'en savoir plus sur la mort de sa mère, retrouvée noyée il y a trente ans. Pourquoi était-elle de l'autre côté de la rive ? Pourquoi avoir dormi la veille de sa disparition chez les intendants de propriété ? Mais surtout, pourquoi est-ce qu'en évoquer le sujet suscite la contrariété de son père ou de sa grand-mère ?

     

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    Le film se coule sur deux heures d'intrigue, faisant échos à l'attente irritante d'Antoine, et parsème l'indicible vérité gouttes à gouttes, dans une beauté ironique de carte postale. Les non-dits d'il y a trente ans s’actionnent dans ceux d'aujourd'hui, créant une bulle de tensions dont on sent venir l'explosion. Entre destruction d'une entité qui lui est proche et création d'un lien nouveau avec ses deux filles et une nouvelle venue, le film joue entre rebondissements et stabilité. Antoine est coincé entre deux mondes énigmatiques. D'un côté, ce qu'on a bien voulu lui dire, et de l'autre, les éléments qu'il arrive à rassembler pour se rassurer qu'il n'est lui-même pas en train de sombrer dans une paranoïa obsédante.

    François Favrat place dans ce décors incertain ces femmes, au regard et au jugement neutres car trop jeunes ou d'un milieu extérieur, qui vont faire avancer l'intrigue et démêler les fils noués par le temps et les intérêts personnels. C'est dans la seconde partie de film que l'on s'approche d'un thriller façon Fincher, qui révèle tout l'éclat des comédiens, dont celui de Mélanie Laurent, jusque là relayée au titre de second rôle grisâtre.

    Quelques invraisemblances à noter toutefois, où des solutions huilent un peu trop facilement l'engrenage de l'enquête.

    Inspiré du roman de Tatiana de Rosnay, François Favrat réussit le pari d'un long métrage soigné, brut, et ascendant. Boomerang peut se vanter de réactualiser les codes des polars en utilisant juste ce qu'il faut pour amplifier le scénario.

     

    Boomerang, octobre 2015

  • Much Loved de Nabil Ayouch

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    Des femmes assujetties à l'argent et aux désirs des hommes qui détiennent le pouvoir. Des femmes qui ne touchent de l'argent qu'à travers des billets froissés, glissés dans les seuls bouts de tissus de leur corps exhibé. Ce phénomène social traverse les siècles, pour arriver au Maroc des années 2010, où la prostitution côtoie le luxe.

    Much Loved porte des héroïnes hautes en couleur Noha, Randa, Soukaina et Hlima, fières et battantes. Le réalisateur pose un double regard entre le public et le privé, les apparences et les clichés contre les choix douloureux et les émotions. Le film distance la dégradation brutale de ses beautés de l'intime, pour s’épancher sur leur quotidien échiné de femmes dans un pays croyant et exigent. Much Loved est un cri de détresse lancé à ces filles, femmes, mères, qui vivent de sexe monnayé à prix fort, mais ne frôlent, même d'une caresse, l'amour en tant que tel. Car elles n'ont pas appris à aimer. Pour l'une, c'est un manque auprès de ses proches et une absence de communication envers sa fille, éclairée des activités nocturnes de sa génitrice. Pour une autre c'est une sexualité privée machinale et insipide. Leurs instants de gloire naissent des regards envieux et des fortunes amassées. 

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    Cru puisqu'il filme la vérité, Much Loved n'utilise de dentelles que pour marquer davantage les sous-vêtements de ses actrices. Il nous décrit d'un regard droit, ni accusateur ni partisan, les conditions, connues depuis, de femmes aux caractères colorés sans diplômes ou volonté pour aspirer à un autre monde, se confortant à ce qu'on leur offre et se satisfaisant de leur situation. Le film s'oriente vers un combat fataliste mais accepté de ces femmes, piégées par la Reine mère qui les chaperonnent ou par l'attachement à un confort qu'elle ne trouveront nulle part ailleurs. On nous présente ainsi un Marrakech frivole, sans grande nouveauté donc, mais la douceur de la caméra de Nabil Ayouch étrécit la vulgarité de certaines scènes.

    En marge de ces scènes de désinhibitions festives se glissent des seconds rôles qui bombent le scénario, montrant qu'un autre chemin est possible lorsque l'on se bat pour étudier, sortir de cette misère imposée sous la forme d'une cage dorée. Much Loved participe à la polémique sur la prostitution en proposant une alternative artistique, qui est celle du 7ème art, pour nous donner un regard, son regard, sur l'un des plus grand tabous social de ces dernières années.