"L'histoire se passe en Europe Centrale, il n'y a pas si longtemps" le récit débute, oscillant entre chants de cabaret et conte pour enfant, par la moyenne des trois sœurs qu'abrite cette maison. Trois soeurs aux caractères bien trempés à qui on a enseigné les bonnes manières et les leçons pour devenir des demoiselles bien éduquées. Mais leur innocence est voilée par l'attente du retour d'une mère disparue depuis bien trop longtemps. Sans prévenir. Sans leur avoir laissé de quoi manger.

Les journées défilent et les sœurs se plient à une mécanique quotidienne de leçons de grammaire, de danse classique, de musique et de langues. La vie se passe, la poésie accompagne leur routine. Petit à petit, leurs doigts se mêlent aux touches du piano, ce ne sont plus leurs poupées qui font l'intermédiaire avec les objets mais leurs propres membres qui glissent dans le stoïcisme : elles deviennent les objets de leur maison, qui n'ont plus de cœurs pour penser ou de cerveau pour sentir leur creux au ventre. Le temps du jeu est révolu, la tête de leurs poupées est arrachée et leurs corps soudés à ceux des fillettes créant un décors mirifique et terrible. Elles sont désormais ces poupées avec lesquelles elles s'amusaient lorsqu'elles formaient une famille heureuse et complète.
L'hiver vient assombrir ce fragile univers, portant dans son épais manteau l'effroyable vérité : leur mère ne reviendra plus. Yael Rasooly dévoile artistiquement l’horreur de la rafle et les faits véridiques d'enfants laissés pour compte ou forcés à se cacher dans de lugubres endroits durant des mois. Elle dépeint trois jeunes filles, probablement de 6, 8 et 10 ans, dont la force mentale surpasse leurs maigres années. Imaginant, pour ne pas perdre espoir, qu'un prince viendra les sauver, s'amusant d'un rien et se délectant de repas faits de restes émiettés. Leur candeur s'envole dans une métaphore d'ange voilé de blanc qui les enlace. L'enfance meurt avant que leur corps ne les lâche.
Et une nuit, enfin, quelqu'un frappe à la porte. Est-ce leur mère ? Ces hommes vêtus d'uniformes militaires ? Ou bien la mort, venue les délivrer ?
La Maison près du Lac, mi-novembre 2014 au TNG
Lectrice avertie par l’éventuelle gène que ce livre pourrait occasionner, je me suis tout de même adonnée à la lecture du best seller du romancier russe. En effet, la quatrième de couverture est explicite : ces 500 pages qu'effleurent vos doigts propres et innocents ne sont pas moins que le récit de l'union incestueuse d'une jeune fille de 12 ans et de son beau père. Le roman se parcourt du point de vue interne, dans la peau d'Humbert, quadragénaire dont les traits anguleux et le regard noir ont un effet d'attraction quasi immédiate sur la gente féminine. Mais à part quelques relations insignifiantes qui n'ont qu'unique but de combler dans l'instant un manque affectif et relationnel cuisant, l’auteur est habité par un vice redoutable : une passion exacerbée pour celles qu'il appelle les nymphettes, ces jeunes filles encore marquées par l'enfance et à l'aube de leur féminité. Les préadolescentes de notre époque. Sa vie est donc en apparence tout a fait saine, car son vice n'est pas l'objet d'acte érotique sinon de brèves pensées au fil de ses journées.