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Théâtre - Page 2

  • En attendant Godot, au Théâtre de la Croix Rousse

    Deux hommes dans un désert attendent Godot. Est-il seulement réel ? On ne le sait pas. On ne le saura jamais. Mais les deux hommes sont là, Vladimir et Estragon, dans un désert, et attendent. Cette boucle qui pourrait sembler infernale se rythme et se séquence au gré des couleurs et des actions des personnages. Les heures passent et la folie guette, les envies suicidaires bourdonnent et la lucidité les réoriente vers leur ultime but : retrouver Godot.

     
    théatre de la croix rousse,lyon,samuel beckett
    Le metteur en scène Laurent Fréchuret choisit avec soin l'emplacement des personnages pour souligner ses ambiances, s'amuse des effets de scène et construit un décor sobre mais épique. Si les figures que l'on croise au cours de la pièce semblent réelles, le sont-elles pour autant ? Une folie ambiante rode et pique les discours pointus des personnages qui sembleraient philosophes une minute et désaxés celle d'après. Il n'y a paradoxalement pas de notion de temps dans En attendant Godot, on sait qu'il passe, mais Estragon et Vladimir le suspende, nous enivre, dans le fait qu'il n'y ait pas d'ascendance dans leur folie, ils invitent la raison comme choisissent de la défier :
    "Ceci devient vraiment insignifiant...
    - Pas encore assez !"
     
    L'oeuvre de Samuel Beckett a été retravaillé dans une langue respectueuse mais éminemment actuelle. C'est dans les détails que Laurent Fréchuret signe la pièce d'une plume humoristique, dans les regards, les interactions ponctuelles avec le public, la scène ouverte avec un personnage qui descends les escaliers de l'Orchestre à vitesse grand V, pour les remonter avec la même énergie. Et c'est un peu le maître mot d'En attendant Godot, qui pourrait se tuer par des longueurs. 
    C'est dans ce décors grattant les espaces infinis et une époque qui pourrait être la notre, avec une constance existentielle et politique, qu'èrent les deux âmes, aux discours tantôt dramatiques tantôt simplets. Les personnalités, que ce soit celles d'Estragon et de Vladimir ou de leurs compagnons d'infortunes Lucky et Pozzo, s'interfèrent et les rend tous vulnérables face à leur condition.
    Y aura-t-il alors un nouveau jour à attendre ? Et qu'est ce qui les occupera, en attendant Godot ? 
     
    En attendant Godot, Théâtre de la Croix Rousse, jusqu'au 30 janvier 2016
     
     
  • L.I.R, l'expérience de lecture augmentée

    A l'ère où les nouvelles technologies explosent, la compagnie Haut et Court s'est demandée comment repenser le livre sans abandonner le support papier. 

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    De là est née L.I.R, Livre In Room, une étrange capsule aussi artistique que visionnaire. Installée dans le hall du Théâtre Nouvelle Génération, elle invite les fidèles comme les promeneurs du 9ème à explorer sa dynamique interne. Le concept ? Des lignes d'auteurs tels que Victor Hugo, Samuel Beckett, Nikolaï Gogol, ou d'écrivains pour jeune public, voyagent dans l'esprit d'un artiste qui l'habille de son et de lumière. Entre le court-métrage et la lecture ouverte, la singularité de cette expérience est telle que nous en sortons interloqués. Il n'y a ni satisfaction immédiate, ni empreinte flagrante. Nous sommes imprégnés de mots, qui ont une résonance particulière, qui nous touchent ou nous questionnent. Pourquoi l'artiste a-t-il choisit ce passage ? Que cherchait à transmettre l'auteur ? Qui sont ces gens, dont on entend le nom, ces lieux, que l'on imagine furtivement ?
     
    D'une création en découle une nouvelle, sans que l'une ou l'autre ne prenne le dessus. L.I.R est un vecteur humble de transmission, les mots étreignent notre imaginaire et nous donnent envie d'en découvrir davantage, de sentir le livre, le toucher et l'apprécier en dehors de cette bulle virtuelle. 

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    Cette première capsule marque le déclenchement d'un regard nouveau sur ce que nous avons délaissé ces dernières décennies. Elle est un moyen de ressusciter nos livres posés comme bibelots, de les rendre accessibles et d'autant plus immersifs. Oeuvre itinérante, L.I.R a pour projets de se propager durablement dans nos lieux de vie, et, courant 2017, de rendre l'expérience possible sur smartphone. 
  • Speak! au théâtre Les Ateliers

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    Aimons-nous un discours pour ce qu'il représente ou pour ce que nous inspire l'homme qui le clame ? Nous donne-t-il envie de croire en ce qu'il avance, ou nous incite-t-il à idéaliser un monde que l'on voudrait changé ? 

    L'art de la rhétorique est un pléonasme, car qui dit rhétorique dit "maîtrise de la parole", et choisir les bons mots dans les bonnes circonstances est un art complexe et limité. 

    Speak! pose un nouveau décors, minimaliste mais suffisant, sur ces discours politiques qui changèrent l'Histoire, dans ses heures de gloire comme dans ses ignominies. Une femme et un homme vont tour à tour chercher à nous convaincre, à nous persuader, affinant ainsi la limite entre l'affectif, le savoir, les croyances, les a priori. A chaque thème choisit, le public est invité à voter pour la femme ou pour l'homme, sur un discours repris mots à mots.

    Et si, même avec notre recul, notre culture, nous venions à voter pour Margaret Thatcher, Saddam Hussein ou Adolf Hitler ? Comment réagirions-nous si nous nous retrouvions à cautionner sans le vouloir le discours d'un tyran ? 

    Au delà de l'expérience et de la performance oratoire des deux comédiens, Speak! glisse, peut-être volontairement, dans les travers des clichés dont les médias nous abreuvent déjà : le politicien est un beau parleur, a le geste, le sourire pour corrompre et assujettir, même dans la plus saine des démocraties, un peuple qui en demandera toujours plus tant que la vérité n'y est pas. Tant que l'espoir est là.

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    Que la pièce serve de morale, je n'en suis pas convaincue. Mais elle aurait éventuellement pu sortir des schémas manichéens du manitou grandiloquent et de la femme terrible et indomptée, presque par soucis d'équité. On interagit avec eux par le biais du vote, mais cela reste au final très linéaire : la femme parle, l'homme parle, le vote, les résultats, les mimiques de satisfaction du gagnant, et round suivant. Et si un second message s'était drapé de facilité ? Sanja Mitrovic, metteur en scène, aurait-elle consciemment adopté les mêmes rituels de la politique, misogyne, accusatrice, rendue simplette pour conforté le grand public qu'il peut s'y retrouver dans un domaine qui exige de grandes connaissances ? Les discours évoluent mais l'idée qui semblait novatrice creuse le sillon de l'ennui au fur et à mesure des scénettes. Qui s'enchaînent. Huit fois. 

    Speak! maîtrise son sujet, mise sur des comédiens charismatiques, mais reste encore trop pudique sur ce qu'il veut amener. La femme et l'homme ne communiquent finalement aucune chaleur, se parant uniquement des personnalités et des mots extérieurs à eux. Un sentiment d'attente qui mute en déception une fois la pièce terminée.

    A voir pour la prose, sur-titrée car les discours sont en anglais, étudiée et pensée par des hommes de lettres avant d'arriver aux bouches des sauveurs ou des bourreaux. 

     

    Speak! Octobre 2015