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  • Yo, Carmen aux Nuits de Fourvière

    carmen.pngCarmen est une femme, Carmen est toutes les femmes.

    Elle nous le dit, nous le danse, nous le chante, nous le crie, nous fait vibrer d'émotion et rire chaudement. Yo, Carmen s'apprécie par sa beauté rigoureuse et sa mélancolie terrible qui font valser la fourmilière de femmes sur le plateau. En chacune d'elle brûle l'ambition de crier au monde leur histoire, leurs désirs, trop souvent réprimés par les tâches que les mœurs leur assignent. Ces combattantes, classiques et contemporaines, abrogent ces règles et nous invitent à partager les différents tourments de leur condition. La puissance mélancolique et tragique des chants espagnols s'accordent à la justesse de ces mouvements millimétrés, qui répand dans le Grand Théâtre un silence respectueux et admiratif.

    Yo, Carmen happe son spectateur d'une magie noire et incendiaire remarquable. En s'éloignant de l'oeuvre originale de George Bizet, le spectacle réussit le pari de nous emmener dans son univers, du lyrisme hispanique aux influences manouches, qui vernit cette oeuvre d'un nouvel éclat. La femme est plus que jamais mise en avant, dans toute sa profondeur existentielle et sa vanité.  

     

    Yo, Carmen aux Nuits de Fourvière les 09 et 10 juin 2015

  • Et il ne répondit plus

    - Et toi, qu'est ce que tu fais dans la vie ?

    - Ce que je fais dans la vie ? Wow, difficile à résumer. Ou bien voudrais-tu justement que je me contente de te répondre en 127 caractères pour que tu puisses passer à une nouvelle question, baignant dans la conformité comme la précédente ? Je m'efforce de vivre. Hey ! Je sais que ce n'est pas mieux comme réponse, c'est même plutôt simplet. Et bien j'ai appris à me satisfaire de cet état d'esprit autant qu'on peut se lasser de la morosité du quotidien s'il nous est présenté comme tel. On cherche toujours à gratter le ciel, avec ces micro fusées blanches volant à l'horizontal, en essayant d'y découvrir un autre décors, l'envers de notre monde préfabriqué. On est à la campagne ? On rêve de buildings new yorkais. On s’écœure un peu plus chaque jour du rythme effréné et pollué de la ville ? On rêve de grands espaces. Mais en fait, à passer son temps à programmer, espérer, à corrompre nos envies pour qu'elles paraissent toujours brillantes, on en perd à vivre. V.I.V.R.E. Trois consonnes, deux voyelles, on en a produit des mots plus étonnants, intelligents, mais pas aussi profonds. J'étudie aux yeux de certains, je fais la fête dans la conscience des autres, je discute gaiement et sincèrement pour l'un, je drague subtilement pour l'autre. Je ne vis jamais la même vie auprès de ceux que je croise, depuis des années ou depuis des mois. Alors ce que je fais, dans la vie, c'est m'obstiner à rester dans le présent, qui ne l'est déjà plus, tenez, regardez comme les secondes défilent sur votre montre un peu guindée, ou les minutes sur l'écran de votre doudou préféré. On imagine une vie, mais ce n'est jamais plus que de la fiction. Qu'est ce qu'on y trouvera ailleurs ? Pour bien vivre, connaissez-vous. Flattez-vous, vous êtes quelqu'un. Qui n'est peut-être pas au bon endroit, qui n'est surement pas assez haut, mais qui en se satisfaisant n'aura plus à envier à personne. Aujourd'hui, je suis une élève. Une femme. Une fêtarde. Une enfant. Une bavarde. Une discrète. Une citadine. Une trop bruyante. Une hypersensible. Je suis toutes ces personnes dans lesquelles je me glisse non pas pour tenter de fuir, mais pour vivre avec la plus large possibilité des choix qu'on puisse nous offrir. J'ai répondu à ta question ?

  • Appels entrants illimités au TNG

    Dans une perpétuelle dérision et absurdité se dessine dans les entrailles d'Appels entrants illimités des éclats de noirceurs sur notre condition d'homme. Nous rencontrons trois colocataires, perturbés, aiguisés, presque trop différents pour être réellement ensemble. Un grand, filiforme, qui se pose des questions sur l'humanité, les OGM, qui ne sait jamais quoi répondre lorsque la sonnerie du téléphone retentit et qui parjure la télévision. Un petite, un peu ronde, qui camoufle son hypersensibilité par des déguisements d'homard, de poule ou de jeune fille sûre d'elle. Et une dernière, le dernier lit de Boucle d'Or, banale dans son physique, quoique jolie et un vaniteuse, et irrémédiablement et dépressivement timbrée. Une horreur les rapproche : le monde extérieur, symbolisé sur scène par un tunnel morbide en papier blanc, qu'ils pénètrent toujours en cas d’extrême nécessité. On préférera même vaporiser les poubelles de sent bon plutôt que de les sortir et se confronter à leurs jugements, leurs étiquettes, leurs vies parfaites et bien rangées.

     

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    La pièce s'interrompt frénétiquement par des appels, ou plutôt des courtes phrases assemblées sans logique apparente, qui résument les informations quotidiennes qui nous sont projetés, les faits divers, la guerre, la corruption, le drameNous vivons dans un drame, et leur drame à eux est de trop le savoir. Louis, Anna et Charlotte nous racontent ainsi, avec leurs accents québécois si chaleureux, des petites histoires qui leur sont arrivés. On pense alors à de simples anecdotes, pour discuter, meubler leur refuge, mais nous y décelons des appels au secours. Les gens qu'ils rencontrent, les situations qu'ils vivent, nous cognent à notre conformité. Pourquoi faut-il savoir bien chanter pour monter sur la scène d'un karaoké ? Pourquoi se plier à un cadre qui ne nous est pas pas ajusté ? Pourquoi ne pas pouvoir penser et crier à la société que nous nous aimons, tels que nous sommes ? Ces spécimens voudraient l'amour mais ne reçoivent que des paillettes, du matériel sans âme et sans fond. Appels entrants illimités, c'est un peu résumer la folie et l’enchaînement incontrôlable des jours, des rencontres, des histoires, de notre vie.

    Par delà l'imagination débordante à en époumoner le spectateur qui tente de les suivre, nous en tirons notre propre aperçu de la pièce. Nous choisissons d'en saisir un certain sens, de prendre les bribes de ces dialogues, de choisir de les écouter ou de les comprendre, de se rappeler pourquoi nous sommes venus voir cette pièce, ou pourquoi nous sommes vivants.

    Un véritable chef d'oeuvre.

     

    Appels entrants illimités, mai 2015 au TNG