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Contemporain - Page 3

  • Speak! au théâtre Les Ateliers

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    Aimons-nous un discours pour ce qu'il représente ou pour ce que nous inspire l'homme qui le clame ? Nous donne-t-il envie de croire en ce qu'il avance, ou nous incite-t-il à idéaliser un monde que l'on voudrait changé ? 

    L'art de la rhétorique est un pléonasme, car qui dit rhétorique dit "maîtrise de la parole", et choisir les bons mots dans les bonnes circonstances est un art complexe et limité. 

    Speak! pose un nouveau décors, minimaliste mais suffisant, sur ces discours politiques qui changèrent l'Histoire, dans ses heures de gloire comme dans ses ignominies. Une femme et un homme vont tour à tour chercher à nous convaincre, à nous persuader, affinant ainsi la limite entre l'affectif, le savoir, les croyances, les a priori. A chaque thème choisit, le public est invité à voter pour la femme ou pour l'homme, sur un discours repris mots à mots.

    Et si, même avec notre recul, notre culture, nous venions à voter pour Margaret Thatcher, Saddam Hussein ou Adolf Hitler ? Comment réagirions-nous si nous nous retrouvions à cautionner sans le vouloir le discours d'un tyran ? 

    Au delà de l'expérience et de la performance oratoire des deux comédiens, Speak! glisse, peut-être volontairement, dans les travers des clichés dont les médias nous abreuvent déjà : le politicien est un beau parleur, a le geste, le sourire pour corrompre et assujettir, même dans la plus saine des démocraties, un peuple qui en demandera toujours plus tant que la vérité n'y est pas. Tant que l'espoir est là.

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    Que la pièce serve de morale, je n'en suis pas convaincue. Mais elle aurait éventuellement pu sortir des schémas manichéens du manitou grandiloquent et de la femme terrible et indomptée, presque par soucis d'équité. On interagit avec eux par le biais du vote, mais cela reste au final très linéaire : la femme parle, l'homme parle, le vote, les résultats, les mimiques de satisfaction du gagnant, et round suivant. Et si un second message s'était drapé de facilité ? Sanja Mitrovic, metteur en scène, aurait-elle consciemment adopté les mêmes rituels de la politique, misogyne, accusatrice, rendue simplette pour conforté le grand public qu'il peut s'y retrouver dans un domaine qui exige de grandes connaissances ? Les discours évoluent mais l'idée qui semblait novatrice creuse le sillon de l'ennui au fur et à mesure des scénettes. Qui s'enchaînent. Huit fois. 

    Speak! maîtrise son sujet, mise sur des comédiens charismatiques, mais reste encore trop pudique sur ce qu'il veut amener. La femme et l'homme ne communiquent finalement aucune chaleur, se parant uniquement des personnalités et des mots extérieurs à eux. Un sentiment d'attente qui mute en déception une fois la pièce terminée.

    A voir pour la prose, sur-titrée car les discours sont en anglais, étudiée et pensée par des hommes de lettres avant d'arriver aux bouches des sauveurs ou des bourreaux. 

     

    Speak! Octobre 2015

  • A l'intérieur du Festival Lumière

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    Lancé depuis quatre jours, retour sur un Festival singulier.

    Le Festival Lumière fait renaître les films d'une autre époque dans les murs des bâtiments de notre quotidien. La cérémonie d'ouverture de ce lundi 12 octobre a signé la trame singulière d'un festival qui se veut de plus en plus axé sur la mémoire, le patrimoine, en nous faisant redécouvrir autant de longs métrages que de cinémas de quartiers.

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    Si je devais résumer en mot ces premiers temps forts de la semaine, qui réserve encore de belles surprises - dont la remise du Prix Lumière ce vendredi - ce serait "émotion". L'émotion de revoir un Jean-Paul Belmondo souriant, l'émotion qui fumait depuis nos yeux d'enfant sage face aux montages vidéos de la cérémonie d'ouverture. La même, palpable, en s'imprégnant des mots sévèrement tendres de l'un des invités d'honneur Vincent Lindon, parlant de son métier, de ses combats, de son envie permanente d'éclairer les esprits avec cet art sublime. L'émotion de retrouver nos idoles cultes, Michel Simon, Jean Gabin, l'écriture percutante d'un Duvivier, la finesse d'un Scorsese et la justesse d'un Kurosawa.

    Les livres traversent les époques, mais le cinéma pâtie d'une durée de vie limitée dans le temps et dans l'espace. Est-il aussi aisé de se replonger dans les années 30 de Bruckman que de  le XIXème siècle de Zola ? Nous n'avons jamais été autant en contact avec la technologie et le support internet et nous ne surfons que sur l'instantané, le décousu, le buzz. Le Festival Lumière m'a transporté depuis mardi dans les quatre coins de ma ville, de la halle Tony Garnier aux milliers de sièges occupés au cinéma Saint Denis à la salle confinée et chaleureuse. Et comme dans un bon livre, nous plongeons dans une autre époque, avec le plaisir discret de se retrouver entre amoureux sans la jalousie ni la possessivité. Cet art immatériel qui appartient à notre patrimoine, ces vedettes de l'ombre qu'une tendance a occulté, nous fouillons comme des explorateurs le passé cinématographique et dépoussiérons nos vieilles pellicules.

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    Dans cette atmosphère de partage et de lien entre lyonnais, j'ai pu développer une réelle empathie envers les personnalités présentes lors de cet événement. Une accessibilité, une écoute, une présence qui revêt une nouvelle facette à l'image de superficialité que l'on peut supposer du milieu. En dépit d'un physique de novice dans la vingtaine, la tolérance presque naturelle et les mains tendues ouvrent les champs du possible. Échanger avec Nicolas Winding Refn, réalisateur de Drive, l'un de mes favoris de ces dernières années, est concevable. Rencontrer Martin Scorsese aux Célestins, l'après-midi même de sa remise du prix aussi. Je ne les citerais pas car je ne veux pas mentionner que les plus importantes et taire les autres, parce que moins mondains et plus secrets. La qualité des intervenants durant cette huitaine apporte du crédit à un Festival qui grandit d'années en années.

    Il y a dans ce Festival un intime que l'on explore en tant que presse ou spectateur. Loin des artifices guindés, il s'accorde le droit mérité de faire intervenir des têtes du cinéma tout en gardant la tête froide pour s’intéresser au public. Depuis ce début de semaine, et probablement jusqu'à dimanche et sa cérémonie de clôture, les paillettes campent dans mes yeux et se réveillent à chaque extinction de salle. Encore de belles choses à découvrir, et à vivre... 

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  • Acrobates au Théâtre Nouvelle Génération

    Etre acrobate, ce n'est pas seulement bouger, danser, c'est un façon de penser. 

    Dans ce spectacle de danse contemporaine, l'histoire de ses interprètes se met au service d'un art maîtrisé à la seconde. Alliant sensibilité des corps et des expressions, les artistes dansent pour communiquer les différentes phases de la vie d'un homme et d'un ami après le drame. 

     

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    Ensemble. Lorsque tout va bien. La projection de vidéos d'archives sur les tapis devenus écrans de projection créée une atmosphère intimiste. De simples spectateurs nous devenons collègues, danseurs, le temps d'un spectacle, nous nous sentons acrobates car nous sommes invités à le devenir.

    La chute. ou bien la mort. Elle rode à chaque entraînements, à chaque faux pas. "Je peux pas" sont les mots qui résonnent entre les bruits secs du danseur qui se cogne contre les tapis. Il danse mais se fait tomber. Il n'arrive plus à se relever alors qu'il excelle toujours autant dans son art. Le talent ne suffit plus. L'acrobate n'est plus lorsqu'il est seul, lorsqu'il n'a plus son porteur, son voltigeur, ou son mentor. 

    L'interdépendance, pour pouvoir avancer. Prendre soin l'un de l'autre, le regarder, lui sourire. Acrobates est une réponse à ceux qui se perdent dans les drames de la vie. Il faut sans cesse se relever, compter sur l'autre, sur ceux qui restent, autant que l'on aimerait que l'on compte sur nous. C'est une ode à la vie en réponse à la mort. On né acrobate peut-être même sans le savoir, on s'articule dès la naissance jusqu'à se contenter d'un immobilisme cuisant, parce que plus le temps, parce que plus l'envie. 

    Acrobates ouvre la saison 2016 du Théâtre Nouvelle Génération en même temps qu'il ferme la page de leur histoire, après deux cents représentations.