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  • Boyhood, de Richard Linklater

    boyhood-movie-poster.jpg12 ans. C'est le temps qu'il aura fallu au réalisateur Richard Linklater pour créer chez le spectateur un rapport intime avec les personnages qu'il voit réellement grandir sur l'écran. La première scène centre notre attention sur un jeune garçon, Mason, yeux plongés dans le ciel sous les notes saisissantes de Yellow du groupe Coldplay. Cet océan bleu introduit d'emblée cet infini, cette immensité, auquel est confronté l'être humain dès le plus jeune âge. Tous les champs d'actions possibles se déploient devant ses yeux écarquillés à la couleur avoisinant celle du ciel. Les années défilent et nous suivons la famille de Mason, une mère affectueuse séparée d'un père aux attentions nobles mais qui manque cruellement de maturité, et d'une soeur boute-en-train au caractère plus effacé l'adolescence venue. La vie professionnelle captivante de l'un, ou la passion stimulatrice de l'autre moduleront et forgeront leur caractère au fil des années.

    La mise en scène sensible et efficace fait subtilement défiler la bobine du film de leur vie. Le réalisateur met en parallèle les différentes époques représentées avec des éléments phares du XXI ème siècle, indicateurs temporels mais également clin d'oeil à une Amérique qui se démarque culturellement : l'élection de Barack Obama, le port des armes et l'initiation des plus jeunes, le phénomène Lady Gaga, ou encore l'essor du réseau social facebook. 

    Ces bribes de leur vie, en apparence anecdotiques et légères, forment une fois assemblées les raisons de décisions importantes, ou du chemin de vie de certains protagonistes. Chaque personnage porte un regard poétique et intelligent sur le monde dans lequel il évolue. Lorsque Mason, âgé d'une dizaine d'années, questionne son père sur l'existence des elfes et des créatures magiques, ce dernier répond honnêtement qu'ils sont une invention, et ajoute alors que pourquoi la baleine, par exemple, géant des mers et créature bien réelle, ne serait-elle pas magique ? En effet, si nous tournons notre regard différemment sur ce qui nous entoure, les hommes, les animaux, la nature, nous pouvons apercevoir toute la richesse et la beauté qui résulte en chacun d'entre eux. C'est une véritable bouffée d'optimisme que nous offre Linklater.

    12 ans après. Nous y sommes. Les enfants ont désormais atteint la majorité, pleins d'ambitions et de projets pour leur vie future. Et nous comprenons. Ce sont ces moments qui, à une année donnée, avec une personne donnée, dans un lieu précis, nous ont rendu vivant : révolté, incompris, amoureux, haineux, fier, libre, déçu, jaloux, passionné. Ce n'est pas l'obtention d'un diplôme qui nous rend nécessairement fier, ou l'indépendance financière qui nous octroie la sensation de liberté, mais tous les aléas de la vie et ces moments, ces instants à part, qui nous saisissent.

     

    Boyhood, été 2014 

     

  • Des années et la mer

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     Un horizon creux et une vague de nostalgie

    J'y songe bel et bien à me planter sur cette plage

    A regarder, yeux braqués sur les nuages

    Le spectacle de ma propre pendaison

    Y plonger une dernière larme insignifiante dans cette eau éternelle

    Si on m'a brisé les ailes, je sais comment aller là haut

    Une sirène pathétique aux yeux parsemés de tâches noires

    Qui roulent sur mes joues pour finir en poison amer

    Ce serait peut être bien ça, l'outil de ma fin

    J'hisserais mon drapeau

    Sinon que de brandir mon désespoir en haillons

    Me consacrer à la mer et plus à ces horreurs 

    Et vous regarderai, vous, escrocs

    Piégés devant les grilles de ma nouvelle demeure

  • Lolita, Lumière de ma vie, feu de mes reins

    Lolita, Vladimir Nabokov

     

    Autre livre de l'été pour un tout autre genre.

    lolita.jpgLectrice avertie par l’éventuelle gène que ce livre pourrait occasionner, je me suis tout de même adonnée à la lecture du best seller du romancier russe. En effet, la quatrième de couverture est explicite : ces 500 pages qu'effleurent vos doigts propres et innocents ne sont pas moins que le récit de l'union incestueuse d'une jeune fille de 12 ans et de son beau père. Le roman se parcourt du point de vue interne, dans la peau d'Humbert, quadragénaire dont les traits anguleux et le regard noir ont un effet d'attraction quasi immédiate sur la gente féminine. Mais à part quelques relations insignifiantes qui n'ont qu'unique but de combler dans l'instant un manque affectif et relationnel cuisant, l’auteur est habité par un vice redoutable : une passion exacerbée pour celles qu'il appelle les nymphettes, ces jeunes filles encore marquées par l'enfance et à l'aube de leur féminité. Les préadolescentes de notre époque. Sa vie est donc en apparence tout a fait saine, car son vice n'est pas l'objet d'acte érotique sinon de brèves pensées au fil de ses journées.

    Jusqu'au jour où il rencontre Dolorès, intimement rebaptisée Lolita, jeune brunette fougueuse à la personnalité bien trempée. Il épouse donc sa mère qu'il conquiert aisément, lui permettant ainsi de vivre un amour interdit avec sa dulcinée. Si l'on se réfère au portrait bien plus aguicheur de Lolita que le cinéaste Stanley Kubrick met en scène en 1962, elle serait l'élément déclencheur de ce passage à l'acte, du dépassement de la frontière entre pensées et action. Mais il en résulte quelque chose de bien plus complexe. Une rencontre entre deux âmes solitaires totalement vidées par leur vie, entre un homme qui n'a jamais pu aimer et une jeune fille prisonnière de la cage dorée moralisatrice et restrictive de la haute société. Plus qu'une histoire faite d'expérience nouvelle, cette relation va devenir le bol d'oxygène qu'ils attendaient tous les deux. Le sentiment d'un drame imminent est alimenté par la succession des événements qui s'en suivront.

    Le roman, porté par une beauté de la syntaxe et un suspense retentissant, évite la perversion et le jugement. Cette écriture, qui rompt avec les tabous sociaux, humanise presque un narrateur qui tente de noyer sa culpabilité par des repentances adressées aux jurés de son subconscient. Lolita est un récit passionnant et puissant, à lire d'une traite et sans attendre.