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Pour le dire - Page 28

  • Les oiseaux ne chantent plus

    Essai

    J'ai toujours eu une attirance envers la douleur. Petit garçon, je m'amusais à coller furtivement ma langue contre la pile de la télécommande de chez mémé, confortablement installé dans son clic clac des années 90, aux tâches de café séchées par le temps et à l'odeur indescriptible de personne âgée. Cela apportait quelques couleurs aux émissions soporifiques des dimanches après-midi. J'avais 6 ans. Ce fut le début d'expériences tout aussi bêtes que dangereuses : tester les fils électriques sous hautes tension, escalader à mains nues les falaises qui longeaient l'unique route de ma maison de vacances, peignant mes paumes d'un violet nuancé dans lequel je trouvais une certaine forme d'art et de satisfaction. Avec la quinzaine arrivèrent les premiers tatouages à l'ancre de chine aujourd'hui bavures noires et illisibles retraçant une amourette adolescente et l'essai de quelques dessins tribaux sans grande originalité. Il va s'en dire que je n'étais pas le plus tendre à la cour de récrée. Des problèmes, on m'a a cherché peu, des poings, il s'en est distribué des centaines. Je me délectais de la sensation de mes phalanges qui s'éclatent d'un son roque et puissant contre la joue rose d'un benêt trop prétentieux. Il m'en fallait plus. Mais je devais jouer dans la subtilité, pour ne pas finir marginal ou bien cloîtré entre quatre murs.

    C'est donc tout naturellement que je suis tombé amoureux de Mathilde, jeunette blonde foncée aux quelques tâches de rousseur, la vingtaine superbe, qui m’entraîna dans les profondeurs de son foutu univers. Les débuts furent très difficiles. Nous nous gavions de dîners aux chandelles, nous saoulions de soirées mondaines, et rencontrer ses amis était l'assurance d'une personne de plus sur terre à mépriser. Nous déblatérerions des mots d'amours et des surnoms ridicules à concurrencer le gang des demoiselles naïves de ce cher Walt qui s’éprennent du premier venu dès lors que coule en lui un sang royal. A vomir. Puis notre relation s'est peu à peu améliorée. J'alimentais mon monstre intérieur d'insultes et de bagarres puériles, qui, se cognant contre mes tympans, adoucissait la tempête de mon esprit. Mais  je revenais toujours à la charge. Je recommençais à fréquenter la source de mon malheur, celle qui me coupait le souffle et me retenait, par ses griffes peintes de rose, dans une histoire vouée à ma destruction. C'était donc ça, ce sentiment avec un grand A qui obnubile nos conversations, nos écrans télévisés, nos romans à succès ? Mais je ne voulais pas de tout ça, de toute cette mascarade hollywoodienne.

    Je voulais sentir.

    La douleur de ressentir une caresse, la douceur d'éprouver un coup.

  • Les festivals

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    La musique fait le bonheur des hommes depuis des siècles. Elle est pour certains une passion, pour d'autres un passe-temps agréable, certains ont la chance d'en vivre et elle est utile parfois pour l'assurance d'une soirée sans blancs. Mais son plus grand pouvoir est d'être fédératrice, d'unir ses auditeurs et de créer une veritable cohésion de groupe comme on peut le retrouver dans les troupes de théâtre. Et cela se ressent particulièrement dans les festivals. 

    Un festival est par définition un événement musical qui réunit sur plusieurs jours de nombreux artistes, connus ou moins connus. On peut croiser des personnes novatrices en la matière, qui portent des chaussures ouvertes et une tenue un peu trop propre, des hippies, dreadlocks tombant le long du dos, des costumés arborant des tenues complètes de zèbres, cochons, panda, ressemblant étroitement aux grenouillères de notre tendre enfance, puis des personnes normales, que la mode actuelle se plait à catégoriser de normcore pour se satisfaire d'une catégorie de personnes de plus à classifier. Tous ces styles réunis sous les mêmes chapiteaux, près des mêmes enceintes, à respirer les mêmes effluves parfois aromatisées, jusqu'aux corps qui fusionneraient presque. La foule qui tient corps grâce à la musique déclenche une solidarité à toute épreuve, d'un coup de main réactif à un malaise ou une personne qui tituberait sous un mouvement de foule trop intense, ou bien si une chaussure se perd, une personne la brandira pour trouver son propriétaire, si un autre semble s'ennuyer, c'est bras dessus bras dessous qu'un compère lui redonnera le sourire. Si je devais donner un mot qui résumerait ces moments d'euphories, c'est le mot respect. Respect de la différence, des artistes, de ceux qui n'ont pas juste besoin de bière pour faire la fête, de ceux qui ne dansent pas ou qui dansent trop. A la manière d'une cuisine épicée, nous bouillonnons sous le même ciel, en se colorant les uns les autres de nos différences. Le respect, la tolérance, sont finalement dans ces lieux là le moyen de faire des rencontres uniques, d'échanger avec une autre culture, d'autres idéaux, qui ne nous sont pas familiers. Nous sommes en pause et ne pensons plus à rien de négatif durant ces 24, 48, 72 heures d'éveil intense, sous un son qu'on apprécie et que l'on partage autant avec des personnes qu'on connait depuis plusieurs années que celles qu'on a croisé il y a cinq minutes. Au détour d'une cigarette, au détour d'une conversation, d'un rassemblement, d'un moment de détente sur l'herbe, de connaissance par le biais d'amis en commun, au détour d'un festival, nous vivons dans une harmonie sociale qui ne nous laissera pas indemne pour les quelques jours qui suivront.

  • Lucy, Luc Besson

     

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    "Notre capacité cérébrale est utilisée à 10 %, qu'adviendrait-il si on pouvait l'utiliser à 100 % ?" est la question à laquelle tente de répondre Luc Besson. Lucy est une jeune femme vive et banale qui se retrouve mêlée à un trafic de drogues rudement mené par une horde de japonais en colère, qui veulent récupérer la drogue qu'ils ont implanté en elle pour qu'elle la livre en toute discrétion. Mais ce sachet, contenant un kilos de petites billes bleues éclate lors d'une altercation avec une des personnes qui servent ce commerce. Tentant de comprendre ce qui lui arrive et de le faire savoir pour que ses connaissances soient partagées, Lucy se retrouve a endosser le rôle de policière au côté d'un homme plutôt charmant, dont elle se sert pour garder en elle une part d'humanité, qui passe par les sentiments.

    Sous des airs de documentaire scientifique axé sur la neurologie, nous suivons les cours de faculté orchestrées par le géant Morgan Freeman qui illustrent ce qu'il se passe dans le cerveau de la jeune femme au fur et à mesure que la drogue agit et dope son activité cérébrale dans des scènes parallèles. Le rôle de l'acteur n'atteint pas, ironiquement, le summum de son jeu d'acteur affadi pour un trop plein d'effets spéciaux. Cela nous donne jusqu'à l'impression qu'il a été voulu par le réalisateur non pas pour ses qualités mais pour son nom sur l'affiche. L'histoire prend une autre tournure aux deux tiers du film en résumant les événements marquants de notre humanité, jusqu'à ses origines avec la première vie humaine éponyme du film. Lucy aborde le consumérisme à la manière d'un 99 Francs futuriste, et piétine sur le terrain de Limitless, pourtant sortit récemment, qui a le mérite de contextualiser cette prise de drogue avec un écrivain subissant le syndrome de la page blanche. Luc Besson, pour sa part, se contente d'une petite arnaque en nous immisçant d'emblée dans ce conflit mafieusard assez tiré par les cheveux. J'accorde toutefois un bon point pour la tentative de représenter le monde sous rayon X, ce qui est assez novateur. Le reste est à découvrir par vous même si vous souhaitez passer un bon moment mais sans espérer découvrir le film de l'année.