Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pour le dire - Page 23

  • Les nouveaux sauvages, de Damian Szifron

    les-nouveaux-sauvages-resize.jpg        Un enchaînement de situations loufoques causées par un débordement psychologique : Les nouveaux sauvages capturent dans l’absurdité la plus totale le pas franchi entre la civilité et le pétage de plombs. Une succession d’histoires pathétiquement drôles nous tient en haleine et nous surprend par l’art de nous faire pénétrer dans ces esprits torturés par la pression, la colère, l’angoisse, la famille, la vie. Jusqu’où sommes-nous capable d’aller quand on pense ne plus rien devoir à personne ? La trame emporte avec sa folie démesurée une séduction coriace.

    Chaque personnage semble emprisonné dans un circuit fermé qui ne peut le mener qu’à leur destruction. Leur état tellement second devient pour certains une délivrance, qui les plonge dans un état de grâce par une satisfaction vicieuse : cogner, insulter, commettre l’irréparable deviennent les uniques réponses de leur cercle infernal. Ajoutez à cela des répliques cinglantes, et vous obtenez un cocktail énergique qui nous prend aux tripes. Les nouveaux sauvages ont l’art et la manière de nous faire passer un message paradoxal : être civilisé est un moyen de ne pas se laisser emporter par des comportements ou des situations pas toujours protocolaires. C’est bien de cela qu’il s’agit : les personnages de Damian Szifron refusent l’étiquetage, du bon citoyen qui paye, de la mariée qui accuse le coup face aux déviances passées de celui qui va être son époux. Ces situations improbables dévoilent subtilement les tares de notre époque, par toutes ces personnes surmenées, assignées au terme généraliste «dépression » qui évite de se pencher sur le problème. Les nouveaux sauvages sont la revanche saignante de ces citoyens laissés pour compte.

    Le réalisateur ne tombe jamais dans la caricature tant les actes sont irréfléchis et parfois en dehors de toute logique et expectations. Ce tourbillon de tranches de vies nous donnerait presque envie de relativiser nos petits problèmes du quotidien.

     

    Les nouveaux sauvages, janvier 2015

  • Invincible, d'Angelina Jolie

    jack-o-connell-unbroken-universal-pictures-980x551-5378.jpg

    Retraçant l’histoire homérique du coureur olympique Louie Zamperini, Invincible étonne par la puissance de ses cadres, mis en lumière par un Jack O’Connell sensible et efficace.

    Pour les plus jeunes d’entre nous, nous avions pu découvrir cet acteur dans la série Skins avec le rôle de Cook, un adolescent perturbé, hyperactif, violent et dont on décelait une grande détresse. On ne retrouve qu’une chose dans les traits de caractère du personnage qui a éclairé ses talents de comédien : la force dans son regard. Cette force là, Louie Zamperini était pourtant destiné à ne jamais la puiser. Croire en lui aurait été incongru, et pourtant ses parents, son meilleur ami, et au fil de ses prouesses sportives sa ville, l’ont fait. L’histoire ne pouvait s’arrêter là. Va s’en suivre pour notre héros une accumulation d’épreuves morales et physiques. Le passage de la lumière éreintante du soleil en pleine mer à la lugubre et humide cabane dans laquelle les japonais l’emprisonneront trace la métaphore soignée des heures de gloire aux tentatives de destruction pièces par pièces de cette volonté infléchissable. Angelina Jolie, malgré son implication humanitaire de part et d’autres de la planète, ne peut nous cacher son amour pour son pays, qui glorifie ses enfants de la résistance et du combat, et c’est dans une légère mimique de perplexité que nous nous demandons si Louie Zamperini n’a à ce point jamais connu le doute voire le renoncement. La réalisatrice use et abuse du voyeurisme cinématographique, en nous faisant partager sa faim, sa souffrance, certaines scènes étant même éprouvantes. Malgré l'enchaînement de décors dans lesquels nous sommes cloîtrés au même titre que le personnage, la cruauté fait état de fil conducteur et nous offre des scènes qui gonflent de minutes en minutes le nom de héros (qui en deviendrait presque ostentatoire) et nous abreuve de son courage.

    Un salut supplémentaire à la distinction, souvent laissée pour compte des scénarios de guerre, entre l’histoire d’un personnage et l’Histoire de l’époque dans laquelle il est plongé. Nous suivons Louie et non la trame horrifique qui voudrait tirer la larme de l’œil du spectateur de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’est ici intégrée qu’en lien avec les histoires des prisonniers de ce camp nippon, et est la causalité de certaines réactions ou pertes d’espoir. 

    L’hommage est admirablement reconduit et sert au film de morale candide mais percutante : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Malgré l’acharnement maladif de son tortionnaire japonais, qui a vu dans le regard de son prisonnier une liberté d’esprit peut-être plus forte que la sienne, Louie ne se brisera pas (traduction originale du titre américain « Unbroken ») et se relèvera toujours la tête haute. Ce deuxième long métrage offre dignement à Angelina Jolie la double casquette d’actrice et de réalisatrice.

     

    Invincible, au cinéma depuis le 7 janvier 2015

  • La liberté atteinte en plein cœur - Mercredi 7 janvier 2015

    Effroyable. Insupportable. Et je me pose encore la question amère : pourquoi ? Pourquoi avoir fallu tuer pour exister ? Malheureusement cet attentat s'inscrit dans la lignée sombre des déviations politiques et sociétales que connait le monde depuis les années 70, et même au delà. Un monde dans lequel la contestation a revêtu la longue cape noire de la faucheuse, dans un contexte de peur et de conjoncture défavorable. S'il vous plait, tenez-vous en au fait que le possible mouvement religieux dont faisait partie, dans un extrême bien sombre, les personnes qui ont commis cet acte, ne relève en rien d'un problème de structure et de barrières nationales. Personne ne peut prédire ces horreurs, tant elles sont inhumaines. Et s'appuyer sur quelques mots d'une langue étrangère pour alerter l'opinion publique si facilement modulable est à la portée de n'importe quelle conscience alimentée par la haine. Nous sommes dans une ère de la régression, de l'hypocrisie ambiante qui voudrait pointer la culpabilité sur une culture admirable, car aucune religion peut se parer de la blancheur de la sainte. Et crier des mots en arabe ne veut pas dire que l'on représente ce peuple, mais que nous lui faisons honte. Nous avons tous à craindre, non pas de notre mort imminente, car de tout temps la mort est quelque chose qui peut frapper à chaque moment, mais de la folie des hommes qui travestissent leur mal-être par des actions barbares et anti-démocratiques. Ce que ces minorités cherchent à faire, c'est de tuer en chacun de nous l'espoir que l'on peut éprouver en l'humanité. Or ce drame doit au contraire réveiller les foules dans une seule et même ligne, celle de la solidarité. Continuer notre combat contre ce que j’appellerais une troisième guerre mondiale, insidieuse, qui nous pousse à haïr ceux que nous devrions aimer. La presse est née de cette volonté d'informer, de diffuser, d'éduquer, et par ce triste événement nous devons tâcher de ne pas la salir en diffusant à tord des appréciations défavorables sur des choses que nous ne maîtrisons pas. Laissons la presse éclaircir ce passage cruel de notre époque avant de nous prononcer. Rendons hommage à ces personnalités fortes, ces hommes du combat, qui, par des mots ou des coups de crayons, ont défendu corps et âme leur métier-passion. 

    Mes pensées vont à la triste époque dans laquelle nous vivons, mais notre force doit être de ne pas baisser les bras et de continuer la bataille entamée par ces figures trop rapidement éteintes.

     

    charb.jpg