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  • Les festivals

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    La musique fait le bonheur des hommes depuis des siècles. Elle est pour certains une passion, pour d'autres un passe-temps agréable, certains ont la chance d'en vivre et elle est utile parfois pour l'assurance d'une soirée sans blancs. Mais son plus grand pouvoir est d'être fédératrice, d'unir ses auditeurs et de créer une veritable cohésion de groupe comme on peut le retrouver dans les troupes de théâtre. Et cela se ressent particulièrement dans les festivals. 

    Un festival est par définition un événement musical qui réunit sur plusieurs jours de nombreux artistes, connus ou moins connus. On peut croiser des personnes novatrices en la matière, qui portent des chaussures ouvertes et une tenue un peu trop propre, des hippies, dreadlocks tombant le long du dos, des costumés arborant des tenues complètes de zèbres, cochons, panda, ressemblant étroitement aux grenouillères de notre tendre enfance, puis des personnes normales, que la mode actuelle se plait à catégoriser de normcore pour se satisfaire d'une catégorie de personnes de plus à classifier. Tous ces styles réunis sous les mêmes chapiteaux, près des mêmes enceintes, à respirer les mêmes effluves parfois aromatisées, jusqu'aux corps qui fusionneraient presque. La foule qui tient corps grâce à la musique déclenche une solidarité à toute épreuve, d'un coup de main réactif à un malaise ou une personne qui tituberait sous un mouvement de foule trop intense, ou bien si une chaussure se perd, une personne la brandira pour trouver son propriétaire, si un autre semble s'ennuyer, c'est bras dessus bras dessous qu'un compère lui redonnera le sourire. Si je devais donner un mot qui résumerait ces moments d'euphories, c'est le mot respect. Respect de la différence, des artistes, de ceux qui n'ont pas juste besoin de bière pour faire la fête, de ceux qui ne dansent pas ou qui dansent trop. A la manière d'une cuisine épicée, nous bouillonnons sous le même ciel, en se colorant les uns les autres de nos différences. Le respect, la tolérance, sont finalement dans ces lieux là le moyen de faire des rencontres uniques, d'échanger avec une autre culture, d'autres idéaux, qui ne nous sont pas familiers. Nous sommes en pause et ne pensons plus à rien de négatif durant ces 24, 48, 72 heures d'éveil intense, sous un son qu'on apprécie et que l'on partage autant avec des personnes qu'on connait depuis plusieurs années que celles qu'on a croisé il y a cinq minutes. Au détour d'une cigarette, au détour d'une conversation, d'un rassemblement, d'un moment de détente sur l'herbe, de connaissance par le biais d'amis en commun, au détour d'un festival, nous vivons dans une harmonie sociale qui ne nous laissera pas indemne pour les quelques jours qui suivront.

  • Lucy, Luc Besson

     

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    "Notre capacité cérébrale est utilisée à 10 %, qu'adviendrait-il si on pouvait l'utiliser à 100 % ?" est la question à laquelle tente de répondre Luc Besson. Lucy est une jeune femme vive et banale qui se retrouve mêlée à un trafic de drogues rudement mené par une horde de japonais en colère, qui veulent récupérer la drogue qu'ils ont implanté en elle pour qu'elle la livre en toute discrétion. Mais ce sachet, contenant un kilos de petites billes bleues éclate lors d'une altercation avec une des personnes qui servent ce commerce. Tentant de comprendre ce qui lui arrive et de le faire savoir pour que ses connaissances soient partagées, Lucy se retrouve a endosser le rôle de policière au côté d'un homme plutôt charmant, dont elle se sert pour garder en elle une part d'humanité, qui passe par les sentiments.

    Sous des airs de documentaire scientifique axé sur la neurologie, nous suivons les cours de faculté orchestrées par le géant Morgan Freeman qui illustrent ce qu'il se passe dans le cerveau de la jeune femme au fur et à mesure que la drogue agit et dope son activité cérébrale dans des scènes parallèles. Le rôle de l'acteur n'atteint pas, ironiquement, le summum de son jeu d'acteur affadi pour un trop plein d'effets spéciaux. Cela nous donne jusqu'à l'impression qu'il a été voulu par le réalisateur non pas pour ses qualités mais pour son nom sur l'affiche. L'histoire prend une autre tournure aux deux tiers du film en résumant les événements marquants de notre humanité, jusqu'à ses origines avec la première vie humaine éponyme du film. Lucy aborde le consumérisme à la manière d'un 99 Francs futuriste, et piétine sur le terrain de Limitless, pourtant sortit récemment, qui a le mérite de contextualiser cette prise de drogue avec un écrivain subissant le syndrome de la page blanche. Luc Besson, pour sa part, se contente d'une petite arnaque en nous immisçant d'emblée dans ce conflit mafieusard assez tiré par les cheveux. J'accorde toutefois un bon point pour la tentative de représenter le monde sous rayon X, ce qui est assez novateur. Le reste est à découvrir par vous même si vous souhaitez passer un bon moment mais sans espérer découvrir le film de l'année.

     

  • Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan

    348460.jpgLe film nous frappe tout d'abord par la beauté de ses paysages, bruts, naturels, criants d'histoires. Et nous découvrons des personnages façonnés à leur image. Le scénario est remarquable par les différentes pistes d'interprétation qu'il nous laisse entrevoir : la religion, les relations amoureuses, le pouvoir de l'argent sur les personnes qui nous entoure et le déchirement de ces êtres, se frottant à dure réalité, longtemps édulcorée par des faux semblants. "Comment filmer le langage non-verbal ?" Nous semble être la trame principale de ce film. Le gérant de l’hôtel, Monsieur Aydin, dont on suit le quotidien, se rend chez un de ses locataires dont les loyers restent impayés depuis plusieurs mois suite à la difficulté pour le chef de famille de se reconstruire après un séjour carcéral. Le jardin de cette famille, ou plutôt ce terrain vague, est délabré, laissé pour compte. On devine alors que cet homme au passé sombre qui délaisse cette bâtisse s'écarte peu à peu des normes sociétales, des règles de vies d'un bon citoyen ou d'un bon musulman dont Monsieur Aydin fera l'éloge avec en ligne de mire cette famille marginale. Une dispute éclate dans un salon ? La subtile gravure "tonnerre" sur un plat posé face caméra sur la table basse et le bruissement du feu dans la cheminée nous indiquera que l'heure est aux règlements de comptes. Le relâchement d'un animal dans son élément naturel évoque la rupture des chaînes qui emprisonnaient le protagoniste, sa libération, une nouvelle perspective d'avenir. Nous éprouvons de la compassion pour chaque personnage, et réfléchissons en tant que potentiel acteur des débats dans lequels bataille Monsieur Aydin, aux mœurs conservatrices et aux arguments discutables mais toujours intéressants qui tendent parfois vers une réflexion philosophique. Nous serrons du point, ouvrons l’œil, échappons une larme ou une expiration colérique. Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan nous maintient éveillé. 

    Winter Sleep aborde entre autres le sujet de l'argent et à quel point celui-ci peut être néfaste même lorsque le cœur de l'homme qui en possède est bon. La possession de cette immense demeure perchée au dessus des montagnes de pierres enneigées assure à la famille du personnage principal une vie confortable, mais que vaut la chaleur quand on n'aspire plus à rien ? Quand on prend conscience d la différence entre l'être et l'avoir ? La bonté du don est alors complexifié. C'est là tout l'art de savoir donner et recevoir, comme lorsque nous souhaitons donner de la nourriture à un sans abris, va-t-on lui dire qu'on lui offre de quoi manger ou que l'on souhaite partager car nous n'arriverons pas à finir tout seul ? Pourquoi la personne qui reçoit ne pourrait pas être au final celle qui donne ? C'est-à dire celle qui permet au final au premier de se sentir apaisé moralement, comme satisfait d'avoir réalisé une bonne action. Qui donne à qui dans ces cas là ? Le conflit commence ici. La femme se noie dans un projet de solidarité tangent, tandis que la soeur trouve dans l'argent un refuge pour se guérir d'un divorce houleux. Nuri Bilge Ceylan dévoile le talent de ses acteurs qui, un à un, font tomber leur masque éclatant sur le sol en une fumée de non-dits, de frustration, de mal être qui s'évaporent dans toutes les pièces de cet immense hotel. Habitué à retranscrire les conflits de l'âme et les conditions sociales, il signe magistralement une nouvelle parlme d'or.  La beauté de la plume et du cadrage nous saisit tout le long de ces trois heures, pour ma part réductibles. La lenteur, voulue et parfois nécessaire, peut parfois nous extirper un bâillement regrettable lorsque l'on a en face de soi un tel tableau cinématographique. Winter Sleep vaut véritablement le coup de se consacrer, sous un soleil estival, quelques heures à l'hiver.