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  • Pièces Détachées, Les Maudits Gones

    Affiche.jpgQu'il est drôle de se replonger, cette fois-ci devant les planches d'un théâtre, dans l'univers particulier du dernier film regardé sur grand écran. A la manière d'un Nouveaux Sauvages, Pièces Détachées nous éclabousse d'absurdité en se dédouanant du facteur "réalisateur célèbre", tristement influençable pour le public mondain.

     
    Pièces Détachées, c'est l'assemblage absurde de petites saynètes qui dérangent presque par leur franc parler. On y croise des personnes comme vous et moi, donnant la réplique à des personnalités atypiques voire invraisemblables. Cette création des Maudits Gones dévoile une singularité de la troupe : elle nous enivre d'un monde modelé par leurs soins mettant les pleins feux sur des talents surprenants de spontanéité et de professionnalisme. On retiendra particulièrement l'histoire de la caissière revancharde, qui, désormais à la retraite, ramène tel un trophée son étalon attiffé d'une perruque Louis XVI. La liberté est évoquée, et pilote les dialogues de la compagnie : puisqu'il est question de liberté, pourquoi ne pas la revendiquer dans la démesure ?

    Les Maudits Gones, outre leur maîtrise de l'absurde, s'amusent de discussions qui interagissent avec leur public, on nous cite, nous montre du doigt, nous demande d'évacuer la salle. Le lien fort entre comédiens et spectateurs tisse une histoire qui à première vue se perdait des des nœuds indémêlables, et nous susurre cette question : "quel est le rôle fondamental du comédien ?" Nous montrer qu'il en est un, qui se plait à jouer de son public en l'emmenant là où il souhaite divaguer, ou bien s'effacer au profit de son personnage qui se décale de sa propre personnalité ? Les Maudits Gones, eux, n'ont pas tranché et nous offre un savoureux mélange de tableaux tantôt justes, tantôt surréalistes, tantôt pathétiques. C'est probablement ce qui souligne leur talent, car la maîtrise de l'autodérision ne découle pas toujours de la maitrise de l'humour. 
     
    Ces comédiens amateurs jonglant entre les différentes émotions peuvent se vêtir d'une vertu honorable : celle de la générosité. L'ensemble de l'argent récolté pour chaque spectacle est en effet reversé à des associations aux missions diverses (enfance, maladie, démunis...).
    De quoi rire tout en aidant des causes qui, comme la troupe des Maudits Gones, cherchent à réveiller le sourire du public qu'elle touche.
  • Les nouveaux sauvages, de Damian Szifron

    les-nouveaux-sauvages-resize.jpg        Un enchaînement de situations loufoques causées par un débordement psychologique : Les nouveaux sauvages capturent dans l’absurdité la plus totale le pas franchi entre la civilité et le pétage de plombs. Une succession d’histoires pathétiquement drôles nous tient en haleine et nous surprend par l’art de nous faire pénétrer dans ces esprits torturés par la pression, la colère, l’angoisse, la famille, la vie. Jusqu’où sommes-nous capable d’aller quand on pense ne plus rien devoir à personne ? La trame emporte avec sa folie démesurée une séduction coriace.

    Chaque personnage semble emprisonné dans un circuit fermé qui ne peut le mener qu’à leur destruction. Leur état tellement second devient pour certains une délivrance, qui les plonge dans un état de grâce par une satisfaction vicieuse : cogner, insulter, commettre l’irréparable deviennent les uniques réponses de leur cercle infernal. Ajoutez à cela des répliques cinglantes, et vous obtenez un cocktail énergique qui nous prend aux tripes. Les nouveaux sauvages ont l’art et la manière de nous faire passer un message paradoxal : être civilisé est un moyen de ne pas se laisser emporter par des comportements ou des situations pas toujours protocolaires. C’est bien de cela qu’il s’agit : les personnages de Damian Szifron refusent l’étiquetage, du bon citoyen qui paye, de la mariée qui accuse le coup face aux déviances passées de celui qui va être son époux. Ces situations improbables dévoilent subtilement les tares de notre époque, par toutes ces personnes surmenées, assignées au terme généraliste «dépression » qui évite de se pencher sur le problème. Les nouveaux sauvages sont la revanche saignante de ces citoyens laissés pour compte.

    Le réalisateur ne tombe jamais dans la caricature tant les actes sont irréfléchis et parfois en dehors de toute logique et expectations. Ce tourbillon de tranches de vies nous donnerait presque envie de relativiser nos petits problèmes du quotidien.

     

    Les nouveaux sauvages, janvier 2015

  • Invincible, d'Angelina Jolie

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    Retraçant l’histoire homérique du coureur olympique Louie Zamperini, Invincible étonne par la puissance de ses cadres, mis en lumière par un Jack O’Connell sensible et efficace.

    Pour les plus jeunes d’entre nous, nous avions pu découvrir cet acteur dans la série Skins avec le rôle de Cook, un adolescent perturbé, hyperactif, violent et dont on décelait une grande détresse. On ne retrouve qu’une chose dans les traits de caractère du personnage qui a éclairé ses talents de comédien : la force dans son regard. Cette force là, Louie Zamperini était pourtant destiné à ne jamais la puiser. Croire en lui aurait été incongru, et pourtant ses parents, son meilleur ami, et au fil de ses prouesses sportives sa ville, l’ont fait. L’histoire ne pouvait s’arrêter là. Va s’en suivre pour notre héros une accumulation d’épreuves morales et physiques. Le passage de la lumière éreintante du soleil en pleine mer à la lugubre et humide cabane dans laquelle les japonais l’emprisonneront trace la métaphore soignée des heures de gloire aux tentatives de destruction pièces par pièces de cette volonté infléchissable. Angelina Jolie, malgré son implication humanitaire de part et d’autres de la planète, ne peut nous cacher son amour pour son pays, qui glorifie ses enfants de la résistance et du combat, et c’est dans une légère mimique de perplexité que nous nous demandons si Louie Zamperini n’a à ce point jamais connu le doute voire le renoncement. La réalisatrice use et abuse du voyeurisme cinématographique, en nous faisant partager sa faim, sa souffrance, certaines scènes étant même éprouvantes. Malgré l'enchaînement de décors dans lesquels nous sommes cloîtrés au même titre que le personnage, la cruauté fait état de fil conducteur et nous offre des scènes qui gonflent de minutes en minutes le nom de héros (qui en deviendrait presque ostentatoire) et nous abreuve de son courage.

    Un salut supplémentaire à la distinction, souvent laissée pour compte des scénarios de guerre, entre l’histoire d’un personnage et l’Histoire de l’époque dans laquelle il est plongé. Nous suivons Louie et non la trame horrifique qui voudrait tirer la larme de l’œil du spectateur de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’est ici intégrée qu’en lien avec les histoires des prisonniers de ce camp nippon, et est la causalité de certaines réactions ou pertes d’espoir. 

    L’hommage est admirablement reconduit et sert au film de morale candide mais percutante : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Malgré l’acharnement maladif de son tortionnaire japonais, qui a vu dans le regard de son prisonnier une liberté d’esprit peut-être plus forte que la sienne, Louie ne se brisera pas (traduction originale du titre américain « Unbroken ») et se relèvera toujours la tête haute. Ce deuxième long métrage offre dignement à Angelina Jolie la double casquette d’actrice et de réalisatrice.

     

    Invincible, au cinéma depuis le 7 janvier 2015