Le directeur artistique, Nino d'Introna, nous offre une pièce modernisée, décalée et saisissante du conte populaire "Le petit Chaperon Rouge".
Le petit Chaperon Rouge. Un conte qui parle à plusieurs générations, des plus petits aux plus avertis. Seulement, le défi pour le metteur en scène est de taille, voire même double. Dans un premier temps, la question se pose : comment réussir à capter l'attention du public pour une histoire qu'il connait déjà et qui se raconte traditionnellement en quelques minutes, tout cela sur plus d'une heure de spectacle ? De plus, les dialogues s'en tiennent à la reprise exacte des mots de Perrault et Grimm. La mise en scène devient alors le seul élément sur lequel repose notre critique. Le jeu des personnages balaye en un éclair nos doutes en introduisant la pièce par une remise en contexte brève sous des airs de vieux cartoons américain. Puis nous basculons en un hurlement glacial de loup dans une ambiance d'épouvante. Nino d'Introna nous fait comprendre dès le premier acte que la pièce sera axée sur l'humour et la candeur, mais qu'elle n'en n'oublie pas l’atmosphère tragique du mythe original que les plus grands reconnaîtront. Le décor devient un élément phare de la pièce, construit d'un chemin de trois lignes blanches en Z. Tout au long du spectacle, l'idée du chemin de la vie sera évoqué. Nous voyons ainsi grandir le Chaperon Rouge : bébé rampant, bambin aux jambes, l'adolescente au caractère confirmé. C'est alors que la jeune fille, qui n'est plus si petite que cela, devient l'appui de sa grand mère dont les jambes tremblent comme celles d'un chérubin. Le chemin, c'est aussi les choix de la vie que nous auront à prendre : dois-je succomber aux charmes du loup doucereux ou me préserver ?
J'ai particulièrement apprécié l'originalité de la mise en scène, tantôt enfantine et ludique, tantôt effroyable pour une certaine partie du public. Cela nous montre que Nino d'Introna s'adresse à un public intergénérationnel : le Chaperon Rouge est certes ouvert à des auditeurs relativement jeunes, mais il n'est pas exempt de toute la dureté à laquelle il réfère qui est la question du viol et de l'innocence des jeunes filles face à la virilité parfois maladive et incontrôlable de la gente masculine. La redondance de certaines scènes pourrait dérouter une certaine partie du public, peu apte à en déceler le sens caché qui est l'éternelle boucle de la vie. Le récit, très court, est sublimé par les effets de lumières et les versions de My Way surprenantes de cohérence avec l'histoire : une version rock pour symboliser l'émancipation du Chaperon désormais "jeune fille" et plus "petite fille", ou encore un air latino lors de la danse dans la forêt portée sur l'attraction sensuelle des deux protagonistes. La pièce réussit donc à combler le public enfantin par des touches musicales et burlesques, et nous rappelle, notamment avec la dernière scène dans laquelle le loup emporte avec lui le rideau final, que le danger face à l'homme reste un sujet contemporain.
Quand on parle du loup, mars 2014.