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Seconde Guerre mondiale

  • Invincible, d'Angelina Jolie

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    Retraçant l’histoire homérique du coureur olympique Louie Zamperini, Invincible étonne par la puissance de ses cadres, mis en lumière par un Jack O’Connell sensible et efficace.

    Pour les plus jeunes d’entre nous, nous avions pu découvrir cet acteur dans la série Skins avec le rôle de Cook, un adolescent perturbé, hyperactif, violent et dont on décelait une grande détresse. On ne retrouve qu’une chose dans les traits de caractère du personnage qui a éclairé ses talents de comédien : la force dans son regard. Cette force là, Louie Zamperini était pourtant destiné à ne jamais la puiser. Croire en lui aurait été incongru, et pourtant ses parents, son meilleur ami, et au fil de ses prouesses sportives sa ville, l’ont fait. L’histoire ne pouvait s’arrêter là. Va s’en suivre pour notre héros une accumulation d’épreuves morales et physiques. Le passage de la lumière éreintante du soleil en pleine mer à la lugubre et humide cabane dans laquelle les japonais l’emprisonneront trace la métaphore soignée des heures de gloire aux tentatives de destruction pièces par pièces de cette volonté infléchissable. Angelina Jolie, malgré son implication humanitaire de part et d’autres de la planète, ne peut nous cacher son amour pour son pays, qui glorifie ses enfants de la résistance et du combat, et c’est dans une légère mimique de perplexité que nous nous demandons si Louie Zamperini n’a à ce point jamais connu le doute voire le renoncement. La réalisatrice use et abuse du voyeurisme cinématographique, en nous faisant partager sa faim, sa souffrance, certaines scènes étant même éprouvantes. Malgré l'enchaînement de décors dans lesquels nous sommes cloîtrés au même titre que le personnage, la cruauté fait état de fil conducteur et nous offre des scènes qui gonflent de minutes en minutes le nom de héros (qui en deviendrait presque ostentatoire) et nous abreuve de son courage.

    Un salut supplémentaire à la distinction, souvent laissée pour compte des scénarios de guerre, entre l’histoire d’un personnage et l’Histoire de l’époque dans laquelle il est plongé. Nous suivons Louie et non la trame horrifique qui voudrait tirer la larme de l’œil du spectateur de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’est ici intégrée qu’en lien avec les histoires des prisonniers de ce camp nippon, et est la causalité de certaines réactions ou pertes d’espoir. 

    L’hommage est admirablement reconduit et sert au film de morale candide mais percutante : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Malgré l’acharnement maladif de son tortionnaire japonais, qui a vu dans le regard de son prisonnier une liberté d’esprit peut-être plus forte que la sienne, Louie ne se brisera pas (traduction originale du titre américain « Unbroken ») et se relèvera toujours la tête haute. Ce deuxième long métrage offre dignement à Angelina Jolie la double casquette d’actrice et de réalisatrice.

     

    Invincible, au cinéma depuis le 7 janvier 2015

  • La Maison près du Lac de Yael Rasooly

    "L'histoire se passe en Europe Centrale,  il n'y a pas si longtemps" le récit débute, oscillant entre chants de cabaret et conte pour enfant, par la moyenne des trois sœurs qu'abrite cette maison. Trois soeurs aux caractères bien trempés à qui on a enseigné les bonnes manières et les leçons pour devenir des demoiselles bien éduquées. Mais leur innocence est voilée par l'attente du retour d'une mère disparue depuis bien trop longtemps. Sans prévenir. Sans leur avoir laissé de quoi manger.

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    Les journées défilent et les sœurs se plient à une mécanique quotidienne de leçons de grammaire, de danse classique, de musique et de langues. La vie se passe, la poésie accompagne leur routine. Petit à petit, leurs doigts se mêlent aux touches du piano, ce ne sont plus leurs poupées qui font l'intermédiaire avec les objets mais leurs propres membres qui glissent dans le stoïcisme : elles deviennent les objets de leur maison, qui n'ont plus de cœurs pour penser ou de cerveau pour sentir leur creux au ventre. Le temps du jeu est révolu, la tête de leurs poupées est arrachée et leurs corps soudés à ceux des fillettes créant un décors mirifique et terrible. Elles sont désormais ces poupées avec lesquelles elles s'amusaient lorsqu'elles formaient une famille heureuse et complète. 

    L'hiver vient assombrir ce fragile univers, portant dans son épais manteau l'effroyable vérité : leur mère ne reviendra plus. Yael Rasooly dévoile artistiquement l’horreur de la rafle et les faits véridiques d'enfants laissés pour compte ou forcés à se cacher dans de lugubres endroits durant des mois. Elle dépeint trois jeunes filles, probablement de 6, 8 et 10 ans, dont la force mentale surpasse leurs maigres années. Imaginant, pour ne pas perdre espoir, qu'un prince viendra les sauver, s'amusant d'un rien et se délectant de repas faits de restes émiettés. Leur candeur s'envole dans une métaphore d'ange voilé de blanc qui les enlace. L'enfance meurt avant que leur corps ne les lâche.

    Et une nuit, enfin, quelqu'un frappe à la porte. Est-ce leur mère ? Ces hommes vêtus d'uniformes militaires ? Ou bien la mort, venue les délivrer ?

     

    La Maison près du Lac, mi-novembre 2014 au TNG