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Mère

  • Boomerang, le thriller au souffle vendéen

    Les secrets de famille, quoi de plus classique. On se ment gentiment, se pavane subtilement, on refoule le passé si profondément qu'il nous pourrit sans que nous n'y prêtions attention. Dans Boomerang, ce passé se nomme Noirmoutier.

    En retournant sur les lieux de son enfance, Antoine, incarné par Laurent Lafitte, se replonge dans son enfance et celle de sa sœur, Agathe, jouée par Mélanie Laurent. Des bribes floues et illogiques viennent tourmenter son envie d'en savoir plus sur la mort de sa mère, retrouvée noyée il y a trente ans. Pourquoi était-elle de l'autre côté de la rive ? Pourquoi avoir dormi la veille de sa disparition chez les intendants de propriété ? Mais surtout, pourquoi est-ce qu'en évoquer le sujet suscite la contrariété de son père ou de sa grand-mère ?

     

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    Le film se coule sur deux heures d'intrigue, faisant échos à l'attente irritante d'Antoine, et parsème l'indicible vérité gouttes à gouttes, dans une beauté ironique de carte postale. Les non-dits d'il y a trente ans s’actionnent dans ceux d'aujourd'hui, créant une bulle de tensions dont on sent venir l'explosion. Entre destruction d'une entité qui lui est proche et création d'un lien nouveau avec ses deux filles et une nouvelle venue, le film joue entre rebondissements et stabilité. Antoine est coincé entre deux mondes énigmatiques. D'un côté, ce qu'on a bien voulu lui dire, et de l'autre, les éléments qu'il arrive à rassembler pour se rassurer qu'il n'est lui-même pas en train de sombrer dans une paranoïa obsédante.

    François Favrat place dans ce décors incertain ces femmes, au regard et au jugement neutres car trop jeunes ou d'un milieu extérieur, qui vont faire avancer l'intrigue et démêler les fils noués par le temps et les intérêts personnels. C'est dans la seconde partie de film que l'on s'approche d'un thriller façon Fincher, qui révèle tout l'éclat des comédiens, dont celui de Mélanie Laurent, jusque là relayée au titre de second rôle grisâtre.

    Quelques invraisemblances à noter toutefois, où des solutions huilent un peu trop facilement l'engrenage de l'enquête.

    Inspiré du roman de Tatiana de Rosnay, François Favrat réussit le pari d'un long métrage soigné, brut, et ascendant. Boomerang peut se vanter de réactualiser les codes des polars en utilisant juste ce qu'il faut pour amplifier le scénario.

     

    Boomerang, octobre 2015

  • Une famille à louer de Jean-Pierre Améris

    Dans la même lignée des Émotifs Anonymes, qui traversait la vie de deux âmes ébranlées hyperémotives, nous rencontrons Paul-André, un homme riche qui veut connaître la vie de famille qu'il n'a jamais eu. Son idée ? Aider Violette, mère de famille endettée énergique et volontaire. Au fil des maladresses commises par ce cinquantenaire catastrophiste et en grande détresse émotionnelle, se dessine une relation de complémentarité, qui distance l'aspect contractuel de leur premier échange. De nature angoissée aux bords de la maniaquerie, Jean-Pierre Améris livre à travers ses deux personnages les déboires sentimentales et sociales des personnes en marge du moule lambda, auxquelles il a pu se confronter dans sa vie d'homme et dans la place qu'il occupait pour ses proches. 

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    Tout en gardant une certaine pudeur sur les sentiments, Jean-Pierre Améris signe une comédie romantique, de deux individus aux antipodes mais généreux l'un envers l'autre. Une famille à louer nous fait rire, mais aussi réfléchir, en dépeignant un tableau de famille atypique qui se veut classique dans ses procédés : qui sommes-nous dans la tête de ceux avec qui l'on grandit ? pour les uns nous sommes l'intello, pour les autres la dévergondée. Cette complicité subtile qui va lier Violette et Paul-André va leur permettre de se défaire de leurs chaines, de la case qu'on leur avait assigné. Ils prennent le risque de se découvrir plus sincèrement, sur le fil de la fantaisie et du drame. Dans cet attendrissant chaos familial se créé un petit monde sensible.

    Le réalisateur a privilégié une comédie travaillée, tant sur les cadres que sur l'écriture, dans laquelle l'histoire prime sur les successions de bouffonneries pour rassurer le spectateur sur le genre qu'il a choisit. Il s'oriente sur une comédie "joie de vivre", tout en parlant de maux, qu'il connaît bien, que l'on peut développer dans une famille ou plus largement une société qui, sinon que de concorder avec notre personnalité, ne comprend pas toujours nos différences. Un souffle libertaire pour les deux protagonistes sur l'écran, et une petite satisfaction pour celui qui occupe les sièges de voir que les comédies françaises ne sont pas réductibles aux gags lourds et franchouillards ou aux bons sentiments. 

     

    Une famille à louer, juin 2015

  • La tête haute, une délinquance sensible

    Malony a six ans lorsqu'il entre pour la première fois dans le bureau de la Juge des enfants. Il en a dix-huit lorsqu'il referme définitivement la porte. L'entre-deux ? Une période agitée, troublée, vivante, initiatrice et triste, puisque criante de vérité. 

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    La tête haute expose les tourments de la vie d'un jeune garçon, sans déviances mentales, sans passé scabreux, mais pensionnaire d'une image de forte tête par manque d'éducation. Sa préadolescence se rythme de conduites sans permis, encouragées par une mère-enfant qui voit en son fils la présence masculine stable qu'elle n'a jamais eu. Puis dans la lignée des choses et fort d'une prétendue maturité, Malony entame les délits aux conséquences plus lourdes. En somme, les actes pointés du doigt par la majorité de la population. Il ne s'agit pas de sanctionner ou justifier ces comportements dans ce long métrage. Il se veut neutre, à la morale détachée, pour nous inviter à suivre et à s'attacher de notre plein gré à Malony, dont la stature et le charisme étonnent pour son jeune âge. 

    La tête haute est un vent de fraîcheur sur les clichés, confirmés comme écartés, des conditions de vie et des tourments de ces pré-adultes en marge d'une société étiquetée. De la violence entre eux ? Il y en a. Des cris, des insultes, des taquineries, des suivis pas toujours protocolaires, il y en a. Mais ce que les documentaires rattachés à ce sujet peinent à nous montrer, et que le film dissémine subtilement durant ces deux heures d'émotion brute, c'est l'attachement simple mais libérateur qui peut naître entre partisans de la seconde chance et infortunés. L'attachement du Juge des enfants envers ces petits êtres à qui on a retiré la chance de s'épanouir sereinement, les éducateurs, envers leurs fortes têtes adolescentes rebelles et en détresse, les jeunes en centres éducatifs, qui se battent pour se dire je t'aime. Catherine Deneuve y incarne une Juge à la prestance incroyable et au rôle de modérateur pour Malony, pour qui elle éprouve une attache vraie mais impartiale.

    Les conséquences de ses délits, résultant d'un esprit en constante émulation, vont faire germer une conscience qui va l'éduquer. Le film nous montre cet épineuse évolution refrénée par un isolement touchant, car, malgré l'accompagnement, l'écoute, les mains tendues, la rébellion catalyse les états d'âmes de Malony. Puisqu'il n'a pas eu le choix, puisqu'il ne sait pas se livrer. 

    Tantôt par des éternuements au fil d'une tirade, tantôt par des frottements d'yeux et de mots calibrés et minutieux, nous sentons que nous nous approchons du vrai, de l'homme, de l'enfant, et non plus du titre auquel la société l'assigne et sa place sur l'échelle de la société. A cela s'ajoutent l'humour et la persévérance de Malony que l'on quitte adulte, bien qu'il le fut prématurément. 

    La tête haute, d'Emmanuelle Bercot, Mai 2015