Yael est le petit dernier de la famille Tautavel, né sous la tragédie du Grand Exode : un jour, ou plutôt une nuit, tous les animaux ont déserté leur ile à cause de l'irrespect de l'homme. Quelque chose que nous n'avons jamais connu peut-elle nous manquer ? C'est à travers le regard de son grand frère, meilleur ami et guide, qu'il cultive la volonté de partir à la recherche de ces bêtes, les voir, les aimer, et les manger un peu. Le jeune garçon porte un regard pleins de malice sur ce voyage, qui prend une toute autre tournure : plus que la découverte d'un monde, il en devient la découverte de soi et de l'amour. L'amour de l'art pour l'un, l'amour d'une femme pour l'autre. Les mimiques enfantins et la voix nasillarde de Yael cachent des références poétiques aux problèmes actuels des jeunes à l'aube de leur vie d'adulte : comment s'épanouir dans un milieu incertain et face à des concepts encore bien troubles ? Yael se retrouve confronter au problème de l'amour, qui le nourrit dans ce qu'il aspire mais qui l'éloigne de son frère, qui n'a plus d'yeux que pour sa dulcinée. Le TNG s'amuse des doubles sens qui prêtent à sourire pour les plus grands : "où est ta mère ?" "Elle suce des pissenlits à la racine !" ou bien "Roméo va encore rentrer dans Juliette", qui se mélangent à des propos plus tendres lorsque Yael apprend de celui qui l'a initié à l'art :
"- Tout se peint Yael, absolument tout. Les taureaux, les dragons, le nuages, les pensées, les sentiments, les gens qu'on aime...
- Même les gens qu'on aime et qui nous manquent ?
- Surtout ceux-là.
- Moi, si j'avais quelqu'un de prisonnier dans mon manque, j'aimerai bien pouvoir lui rendre la liberté."
Le petit Yael grandit sous nos yeux et découvre qu'aimer, c'est apprendre à accepter que l'autre puisse aimer quelqu'un d'autre que soi, que l'amour se partage sans qu'il ne soit altéré. Il ne se divise pas mais se décuple, au fil de nos rencontres, de nos découvertes, et c'est une partie de son amour que Yael nous projette sur une toile suspendue au dessus du public par un lancé de peinture en direct sur un projecteur.
Cette pièce, débordant de spontanéité et de répliques à conserver, étonne par son franc parler. Elle illustre parfaitement l'enfance où l'on découvre l'amour et le partage, où nous sommes révoltés, rieurs, incompris, gourmands, sans gènes. Yael Tautavel ou l'enfance de l'art nous dit que nous ne pouvons vivre au dépend de quelqu'un d'autre toute notre vie, qu'il faut savoir prendre notre envol quand le moment est choisit. Et quoi de mieux que l'art pour nous servir de tremplin ?
Yael Tautavel, décembre 2014