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TNG - Page 3

  • Yael tautavel ou l'enfance de l'art

    yael-tautavel-ou-l-enfance-de-l-art,--a-quai-des-arts,-mardi-16-mars,-a-20h--240.jpgYael est le petit dernier de la famille Tautavel, né sous la tragédie du Grand Exode : un jour, ou plutôt une nuit, tous les animaux ont déserté leur ile à cause de l'irrespect de l'homme. Quelque chose que nous n'avons jamais connu peut-elle nous manquer ? C'est à travers le regard de son grand frère, meilleur ami et guide, qu'il cultive la volonté de partir à la recherche de ces bêtes, les voir, les aimer, et les manger un peu. Le jeune garçon porte un regard pleins de malice sur ce voyage, qui prend une toute autre tournure : plus que la découverte d'un monde, il en devient la découverte de soi et de l'amour. L'amour de l'art pour l'un, l'amour d'une femme pour l'autre. Les mimiques enfantins et la voix nasillarde de Yael cachent des références poétiques aux problèmes actuels des jeunes à l'aube de leur vie d'adulte : comment s'épanouir dans un milieu incertain et face à des concepts encore bien troubles ? Yael se retrouve confronter au problème de l'amour, qui le nourrit dans ce qu'il aspire mais qui l'éloigne de son frère, qui n'a plus d'yeux que pour sa dulcinée. Le TNG s'amuse des doubles sens qui prêtent à sourire pour les plus grands : "où est ta mère ?" "Elle suce des pissenlits à la racine !" ou bien "Roméo va encore rentrer dans Juliette", qui se mélangent à des propos plus tendres lorsque Yael apprend de celui qui l'a initié à l'art : 

    "- Tout se peint Yael, absolument tout. Les taureaux, les dragons, le nuages, les pensées, les sentiments, les gens qu'on aime...

    - Même les gens qu'on aime et qui nous manquent ?

    - Surtout ceux-là.

    - Moi, si j'avais quelqu'un de prisonnier dans mon manque, j'aimerai bien pouvoir lui rendre la liberté."

    Le petit Yael grandit sous nos yeux et découvre qu'aimer, c'est apprendre à accepter que l'autre puisse aimer quelqu'un d'autre que soi, que l'amour se partage sans qu'il ne soit altéré. Il ne se divise pas mais se décuple, au fil de nos rencontres, de nos découvertes, et c'est une partie de son amour que Yael nous projette sur une toile suspendue au dessus du public par un lancé de peinture en direct sur un projecteur. 

    Cette pièce, débordant de spontanéité et de répliques à conserver, étonne par son franc parler. Elle illustre parfaitement l'enfance où l'on découvre l'amour et le partage, où nous sommes révoltés, rieurs, incompris, gourmands, sans gènes. Yael Tautavel ou l'enfance de l'art nous dit que nous ne pouvons vivre au dépend de quelqu'un d'autre toute notre vie, qu'il faut savoir prendre notre envol quand le moment est choisit. Et quoi de mieux que l'art pour nous servir de tremplin ?

     

    Yael Tautavel, décembre 2014

     

  • Appels entrants illimités au TNG

     

     

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    Dans une perpétuelle dérision et absurdité se dessine dans les entrailles d'Appels entrants illimités des éclats de noirceurs sur notre condition d'homme. Nous rencontrons trois colocataires, perturbés, aiguisés, presque trop différents pour être réellement ensemble. Un grand, filiforme, qui se pose des questions sur l'humanité, les OGM, qui ne sait jamais quoi répondre lorsque la sonnerie du téléphone retentit et qui parjure la télévision. Un petite, un peu ronde, qui camoufle son hypersensibilité par des déguisements d'homard, de poule ou de jeune fille sûre d'elle. Et une dernière, le dernier lit de Boucle d'Or, banale dans son physique, quoique jolie et un vaniteuse, et irrémédiablement et dépressivement timbrée. Une horreur les rapproche : le monde extérieur, symbolisé sur scène par un tunnel morbide en papier blanc, qu'ils pénètrent toujours en cas d’extrême nécessité. On préférera même vaporiser les poubelles de sent bon plutôt que de les sortir et se confronter à leurs jugements, leurs étiquettes, leurs vies parfaites et bien rangées.

     

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    La pièce s'interrompt frénétiquement par des appels, ou plutôt des courtes phrases assemblées sans logique apparente, qui résument les informations quotidiennes qui nous sont projetés, les faits divers, la guerre, la corruption, le drameNous vivons dans un drame, et leur drame à eux est de trop le savoir. Louis, Anna et Charlotte nous racontent ainsi, avec leurs accents québécois si chaleureux, des petites histoires qui leur sont arrivés. On pense alors à de simples anecdotes, pour discuter, meubler leur refuge, mais nous y décelons des appels au secours. Les gens qu'ils rencontrent, les situations qu'ils vivent, nous cognent à notre conformité. Pourquoi faut-il savoir bien chanter pour monter sur la scène d'un karaoké ? Pourquoi se plier à un cadre qui ne nous est pas pas ajusté ? Pourquoi ne pas pouvoir penser et crier à la société que nous nous aimons, tels que nous sommes ? Ces spécimens voudraient l'amour mais ne reçoivent que des paillettes, du matériel sans âme et sans fond. Appels entrants illimités, c'est un peu résumer la folie et l’enchaînement incontrôlable des jours, des rencontres, des histoires, de notre vie.

    Par delà l'imagination débordante à en époumoner le spectateur qui tente de les suivre, nous en tirons notre propre aperçu de la pièce. Nous choisissons d'en saisir un certain sens, de prendre les bribes de ces dialogues, de choisir de les écouter ou de les comprendre, de se rappeler pourquoi nous sommes venu voir cette pièce, ou pourquoi nous sommes vivant.

    Un véritable chef d'oeuvre.

     

    Appels entrants illimités, mai 2015 au TNG