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Film nominé - Page 2

  • Much Loved de Nabil Ayouch

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    Des femmes assujetties à l'argent et aux désirs des hommes qui détiennent le pouvoir. Des femmes qui ne touchent de l'argent qu'à travers des billets froissés, glissés dans les seuls bouts de tissus de leur corps exhibé. Ce phénomène social traverse les siècles, pour arriver au Maroc des années 2010, où la prostitution côtoie le luxe.

    Much Loved porte des héroïnes hautes en couleur Noha, Randa, Soukaina et Hlima, fières et battantes. Le réalisateur pose un double regard entre le public et le privé, les apparences et les clichés contre les choix douloureux et les émotions. Le film distance la dégradation brutale de ses beautés de l'intime, pour s’épancher sur leur quotidien échiné de femmes dans un pays croyant et exigent. Much Loved est un cri de détresse lancé à ces filles, femmes, mères, qui vivent de sexe monnayé à prix fort, mais ne frôlent, même d'une caresse, l'amour en tant que tel. Car elles n'ont pas appris à aimer. Pour l'une, c'est un manque auprès de ses proches et une absence de communication envers sa fille, éclairée des activités nocturnes de sa génitrice. Pour une autre c'est une sexualité privée machinale et insipide. Leurs instants de gloire naissent des regards envieux et des fortunes amassées. 

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    Cru puisqu'il filme la vérité, Much Loved n'utilise de dentelles que pour marquer davantage les sous-vêtements de ses actrices. Il nous décrit d'un regard droit, ni accusateur ni partisan, les conditions, connues depuis, de femmes aux caractères colorés sans diplômes ou volonté pour aspirer à un autre monde, se confortant à ce qu'on leur offre et se satisfaisant de leur situation. Le film s'oriente vers un combat fataliste mais accepté de ces femmes, piégées par la Reine mère qui les chaperonnent ou par l'attachement à un confort qu'elle ne trouveront nulle part ailleurs. On nous présente ainsi un Marrakech frivole, sans grande nouveauté donc, mais la douceur de la caméra de Nabil Ayouch étrécit la vulgarité de certaines scènes.

    En marge de ces scènes de désinhibitions festives se glissent des seconds rôles qui bombent le scénario, montrant qu'un autre chemin est possible lorsque l'on se bat pour étudier, sortir de cette misère imposée sous la forme d'une cage dorée. Much Loved participe à la polémique sur la prostitution en proposant une alternative artistique, qui est celle du 7ème art, pour nous donner un regard, son regard, sur l'un des plus grand tabous social de ces dernières années.

  • Les nouveaux sauvages, de Damian Szifron

    les-nouveaux-sauvages-resize.jpg        Un enchaînement de situations loufoques causées par un débordement psychologique : Les nouveaux sauvages capturent dans l’absurdité la plus totale le pas franchi entre la civilité et le pétage de plombs. Une succession d’histoires pathétiquement drôles nous tient en haleine et nous surprend par l’art de nous faire pénétrer dans ces esprits torturés par la pression, la colère, l’angoisse, la famille, la vie. Jusqu’où sommes-nous capable d’aller quand on pense ne plus rien devoir à personne ? La trame emporte avec sa folie démesurée une séduction coriace.

    Chaque personnage semble emprisonné dans un circuit fermé qui ne peut le mener qu’à leur destruction. Leur état tellement second devient pour certains une délivrance, qui les plonge dans un état de grâce par une satisfaction vicieuse : cogner, insulter, commettre l’irréparable deviennent les uniques réponses de leur cercle infernal. Ajoutez à cela des répliques cinglantes, et vous obtenez un cocktail énergique qui nous prend aux tripes. Les nouveaux sauvages ont l’art et la manière de nous faire passer un message paradoxal : être civilisé est un moyen de ne pas se laisser emporter par des comportements ou des situations pas toujours protocolaires. C’est bien de cela qu’il s’agit : les personnages de Damian Szifron refusent l’étiquetage, du bon citoyen qui paye, de la mariée qui accuse le coup face aux déviances passées de celui qui va être son époux. Ces situations improbables dévoilent subtilement les tares de notre époque, par toutes ces personnes surmenées, assignées au terme généraliste «dépression » qui évite de se pencher sur le problème. Les nouveaux sauvages sont la revanche saignante de ces citoyens laissés pour compte.

    Le réalisateur ne tombe jamais dans la caricature tant les actes sont irréfléchis et parfois en dehors de toute logique et expectations. Ce tourbillon de tranches de vies nous donnerait presque envie de relativiser nos petits problèmes du quotidien.

     

    Les nouveaux sauvages, janvier 2015

  • Night Call de Dan Gilroy

    NIGHT CALL (1).JPGUne pluie de nominations, un casting prometteur et un thème sociétal excitant, tout semblait sourire à ce premier film de Dan Gilroy. Mais la sortie de salle nous laisse un gout de déception, de sujet pas ou peu exploité à sa juste valeur.

    Nous sommes introduits dans l'univers glauque des chercheurs de scandales, appâtés par le sang et le drame. Jake Gyllenhaal incarne Lou, un vautour redoutable aux intentions malsaines dont la soif pour l'argent et la reconnaissance le pousse aux portes de la folie. La brillante interprétation de l'acteur n'est cependant que l’enrobage doré de ce thriller remplit de lourdeurs. La mise en scène est telle que nous n'arrivons pas à nous identifier au personnage, nous suivons ses premières expériences avec la caméra et décrochons des sourires crispés lorsqu'il s'accopine avec l'humour noir. Mais plus les scènes défilent, plus la sensation de "regarder" le personnage s'installe. La comparaison avec le sublime Drive appuie cette impression, car l'esprit torturé et impénétrable de Ryan Gosling nous est accessible, de sorte à créer en nous de l'affection pour ce personnage. Night Call prend le parti de nous éloigner de son héros, davantage anti-héros, au profit de l'action à répétition. Sans grande originalité, la gravité des scènes paparazziées s’accroît jusqu'au grand final où l'inédit et l'ampleur du scoop propulse Lou à la gloire morbide d'une Amérique qui se goinfre de scandales. Des retournements de situations prémédités par tout bon public de ce genre cinématographique, des dialogues souvent absents au profit de courses de voitures clichées, cet amas de scènes classiques dont Dan Gilroy tente de mélanger à sa une sauce douteuse décrédibilise ce film qui aurait pu être merveilleusement bien construit. Pire, il trace le schéma manichéen de l'américain lambda qui subit les dérives de maniaques et des méchants médias qui le souille en s'abreuvant de tous ces faits divers. Cette réalité est sur exagérée et personnifiée par une quarantenaire peinturlurée qui donnerait son corps pour le scoop de l'année. 

    Night Call s'éloigne du thriller haletant que nous promettait Dan Gilroy mais se regarde par son acteur principal Jake Gyllenhaal qui domine ce long métrage, tant par son incroyable charisme que par un rôle dévoilant une maitrise de la noirceur, qui dénote des garçons gentillets qu'il a (trop) tendance à incarner. 

     

    Actuellement au cinéma