Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Automne atone - Partie 1

    Me dire qu'il brise les échos de ma pensée, de tout ce que je connaissais avant lui, je n'en retenais plus rien. Et c'était ça le pire. De devoir le lui confier. Le sourire étira ses lèvres, amusé et impitoyable. Si tout à un commencement, le voici.

    Dans un décors insipide, une fin d'été annoncée. La brise soufflait près des arbres malades de notre ville, à en décrocher des feuilles pas tout à fait prêtes à s'en aller . Déroulant dans une traînée grisâtre les tapis morts de la nature hivernale. Je haïssais ces paysages, mais leur accordais une beauté picturale. Une peinture d'artiste affamé qui engrossera deux cents ans plus tard des spéculateurs avertis. Mes larmes roulaient sur mes joues endolories, et finissaient en particules blanches dans l'air glacial. C'était le grand froid, l'époque où on ne se souvient plus de ce que cela fait de sentir ses dents trembler, nos derniers souvenirs s'étant empêtrés dans le sable chaud de cet été.  

    Mes pas se pressaient le long de ce grand cours, ne posant mes yeux que sur la rame encore lointaine de métro qui me procurerait enfin les quelques degrés supplémentaires pour tranquilliser ce corps tremblant. Un homme y était arrêté, cigarette roulée dans des doigts épais, s’apprêtant à mourir sur le trottoir pour lâcher son dernier souffle, piqué à son meurtrier. Une allure du Petit Prince, chevelure folle et habits d'aviateurs, regard perdu mais perçant. La bouche cachée par une écharpe douillette, je recouvris mon buste de ma veste si peu épaisse, et ralentis de quelques battements la cadence des mes souliers. Dans une ville en deuil battait un coeur en fête, qui s'étonnait des raisons de cette lueur soudaine. Pourquoi maintenant ? Pourquoi cet homme ?  

    Dans un instinct presque animal, il tourna vivement la tête prêt à en découdre avec celui qui le ciblait. Interloqué de l’insistance de mon regard, ses pupilles s'adoucirent à la vue de la jeune femme frêle qui se trouvait devant lui.
    "- Vous souhaitez du feu, peut être ? Ou que je vous roule une cigarette ? Je vous avouerais que je préfère la première option, je ne sens presque plus mes doigts."
    Ne comprenant pas ce qui amenait cette discussion, je m'aperçu que je m'étais arrêtée vers lui. Sans raisons. J'avais été comme hypnotisée et conduite à marcher jusqu'à sa personne, tel un pantin téléguidé.
    "- Je ne fume pas."
    Ma réponse le fit rire. Probablement par le ton très direct employé, ou par mon regard doux dans une parure maladroite de félin sur ses gardes.
    "- Vous avez bien raison. C'est juste une motivation, pour moi. Je me dis "Allez, une clope, et je m'y met", ou bien "une clope, et je prend ce fichu métro pour rejoindre ce fichu bureau de ce fichu travail". Mais c'est ma vie qui est fichue, et c'est pas une énième clope qui changera la donne."
    Il prit une pose, et émit un petit rire d'adolescent.
    "- Vous verriez votre tête ! Vous êtes toujours aussi sérieuse ? Je plaisantais, ma vie n'est pas si nulle que ça."
    Il parlait beaucoup. C'était étonnant pour un jeune homme de cette carrure et de cette beauté froide suédoise. Il pourrait conquérir mille femmes sans dire un mot, mais choisissait la parole plutôt que le mystère. J'appréciais cette générosité, alors que je restais fermée, buvant ses mots. Il reprit, pour couper court à ce quasi monologue qui devenait gênant.
    "- D'ailleurs, je vais me faire taper sur les doigts si j'arrive en retard dès le lundi matin. Au revoir mademoiselle.
    - Où travaillez-vous ?" questionnais-je furtivement, comme alertée de la dernière chance que j'avais de lui parler. Il ne me plaisait pas comme un bel homme pourrait séduire. Il m'intriguait.

  • Deadpool, briseur de codes et du quatrième mur

    deadpool1-gallery-image.jpg

    Spécimen dans son genre, Deadpool tire une nouvelle case encore jamais explorée de la saga Marvel : celle de l'anti-héro gras et terriblement attachant. Pas du tout moralisateur, il explore l'univers des comics comme on les connait avec les premières têtes X-men, Batman, Spiderman, en le souillant à sa guise de blagues salaces ou des touches scénaristiques inventives et impertinentes, à notre plus grand plaisir.

    deadpool_clip_hd.0.jpg


    Le long-métrage use et s'amuse de références pop et de l'époque contemporaine en fondant dans un décors mystique un personnage qui nous ressemble. Deadpool est une bouffée d'air frais, un renouveau appréciable face aux blockbusters métalliques et sans âme de ces dernières années. Jamais à court d'idées pour briser le quatrième mur, Deadpool se joue avec nous des méchants et de lui-même, balayant la morale et les protocoles. Une délicieuse indifférence qui sert à son personnage.

    Avec à la production et au jeu l'acteur Ryan Reynolds, le film rend hommage à la folie, réelle, de cet homme-enfant et à un désir sincère de donner à un oublié des grands écrans la reconnaissance qu'il mérite. Deadpool semble être une projection costumée de son interprète, dans un genre moins sombre d'Heith Ledger et son rôle déstructeur du Joker. Une cohérence qui permet de lisser les discours graveleux du film.
    Bien qu'attendu, et la difficulté était de taille, Deadpool ravit par une audace salutaire. Il est en définitive un Marvel pro et anti Marvel, cuisiné aux petits oignons pour que les fans se régalent et que les spectateurs novices comme je l'étais en ressortent également satisfaits. Une petite pépite.

     

    Deadpool, février 2016

  • Spotlight, de Tom McCarthy

    spotlight-2015-directed-by-tom-mccarthy-movie-review.jpg

    Le fait divers glaçant de prêtres pédophiles à Boston aux Etats-Unis retracé par l'équipe de journalistes dénommée Spotlight. Polémique dans le fond et dans la forme, Spotlight entraîne son spectateur dans une agitation désordonnée qui mêle les informations entre elles et nous coulent dans des dialogues confus. Le réalisateur prend le parti de nous réserver un siège de bureau pour nous y balancer, d'un coup de talonnette artistique, entre nos collègues du journal Le Globe. Nous n'en savons pas plus qu'eux, nous avançons avec eux. Pas d'intime, pas de décors américains, pas d'humour, de violons ou de mépris. Là est la ficelle d'une prémisse de reproche que nous pourrions tirer : Spotlight ne ravira qu'un public disposé et volontaire, sans quoi la route est longue.

    Spotlight_film_2015.jpg


    Nous touchons au vrai, aux faits, à un film qui se pourrait être un documentaire. Et par l'envie d'en faire peu, Tom McCarthy en fait beaucoup. Une réalisation propre et épurée, qui se dérobe de tout voile d'entertainment. Spotlight est un film sombre et lissé, qui ne s'écoute que si l'on décide de mettre également notre coeur à l'enquête. L'habileté de ce long-métrage difficilement classable tient en la totale imperméabilité de ses personnages et leurs possibles affiliations avec l'Eglise. Une contre-enquête sur la véritable identité des journalistes se créé dans l'imaginaire d'un spectateur habitué à plus d'artifices et qui a fortiori en cherche davantage. Spotlight percute dans la technique mais se ferme les portes du grand public qui pourrait être réfractaire à cette démarcation.
    En résumé, Spotlight est un film fin, bien construit mais laisse une petite amertume de beauté incomplète par le choix de la simplicité, pouvant être perçue comme de la facilité et du creu. Bon, mais dans la nuance. 

    Spotlight de Tom McCarthy, février 2016