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Lucrèce Borgia au Théâtre des Célestins

 

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Lucrèce Borgia. Italienne redoutable, dont le piédestal est juché sur un amas de cadavres exécutés pour mieux régner. Le sang que fait couler cette femme glaciale en devient la couleur de son habit royal. Une femme démoniaque, mais dont la fragile part d'humanité renaît sous nos yeux lorsqu'elle retrouve au carnaval de Venise, après vingt années de séparation, son fils eu d'une union incestueuse.

 

Une femme. Un jeune homme. Un sol en damier, scène de tous les crimes et de tous les pêchés.

La pièce débute par six hommes, crachant sur le nom et le destin des Borgia. Ou plutôt cinq hommes, l'un étant endormi à l'ombre de la terrasse. Cette première scène nous plonge d'emblée dans le quotidien du groupe de soldats, tant qu'on en deviendrait complice, acquiescant leurs véhémentes paroles. Et soudain, l'homme assoupi auquel on ne prêtait plus attention devient le sujet principal de la pièce. Pourquoi, une fois les soldats partis, Lucrèce Borgia en escale à Venise, est prise d'un haut le cœur poignant en découvrant le jeune Gennaro, en plein cœur de la ville ? Pourquoi se penche-t-elle, de tout son corps tremblant, sur ce minois d'adolescent, jusqu'à poser ses lèvres monstrueuses sur sa joue innocente ? Serait-ce sa prochaine proie ? Un secret hante alors cette pièce.

Les Célestins nous dépeignent l'amour d'une mère emprise d'une animosité féroce. Elle est torturée par ces retrouvailles, et ne peut s'en cacher auprès de son mari qui croit alors qu'elle lui est infidèle. La lutte intérieure se retrouve également dans le personnage de Gennaro : que lui veut cette femme, magnifique, qui porte le terrible nom de Borgia ? Pourquoi le protéger alors qu'il la fuit comme la peste ? La pièce fait interagir des personnages torturés avec des personnages cyniques aux répliques amusantes afin d'alléger la trame dramatique qui pèse sur scène. Ainsi, Gubetta, un espion de la reine qui prend l'allure d'un soldat vieillissant auprès de ses jeunes compères nous permet de lier les situations représentées avec le contexte, légèrement caricatural, de l’Italie du XIXème siècle : "Il y a deux choses qu'il n'est pas aisé de trouver sous le ciel ; c'est un Italien sans poignard, et une Italienne sans amant.", ou encore ",le diable en sait plus que monsieur de Valentinois,et le pape Alexandre VI en sait plus que le diable.". Il nous permet d'affronter l'atrocité et l'angoisse portées par les personnages principaux.

La comédienne Nathalie Richard incarne, et ce dès la première scène, la mort flottant au dessus de l'Italie gouvernée par cette même entité. Nous y découvrons une mort maligne, jouant de ses charmes auprès de son époux, une mort vengeresse lorsqu'elle condamne les cinq soldats pour avoir souillé sa personne, une mort qui entrevoit un semblant de justice auprès de Gennaro. Tant que Lucrèce Borgia est sur scène, la mort est sur tous les fronts. Et peut surgir d'une main autrefois pure et vaillante.

La lumière, les comédiens, le décor, tout est mise en scène dans une harmonie somptueuse. Nous sommes plongés dans les entrailles de Ferrare, tant dans le figuré que dans les faits. La pièce durant 2h35, une entracte fut de mise. A mon goût, il aurait été préférable de ne pas en mettre, car le troisième acte contient tellement de scènes importantes que nous n'avons le temps de souffler, encore déconcentrés par la lumière du jour des quelques minutes auparavant. Mais la pièce en elle-même a été magnifiée par ce théâtre dont on ne fait plus la renommée.

 

 

Lucrèce Borgia, au théâtre des Célestins du 16 au 25 mai 2014

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