Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livre - Page 2

  • Extrait - Sa maison était immense

    CHAPITRE 4 

     

    Sa maison était immense, sobre, élégante. Autant dire à l’image d’Alex. J’étais assez impressionnée, ce qui est un phénomène rare. Quand nous visitons de nouveaux lieux avec ma mère, celle-ci commente constamment le décor dans lequel nous nous trouvons par des exclamations telles que « Marine ! Regarde là-bas ! », « oh ! Tu as vu cette fresque ! » ou encore « regarde ces colonnes ! Et ces mosaïques ! ». Cela a le don de m’exaspérer et la phase suivant ses paroles prolifiques est celle de l’indifférence. Nait alors en elle une incompréhension dont se dégage un soupir taillant davantage le fossé entre elle et moi. Mais ces disputes sont un quotidien supportable. Et relatées aux seuls faits marquants de ma famille, étant donné que nous ne sommes pour la plupart que très peu familiarisé avec ce bidule noir à deux hémisphères pendu au bout d’un fil.

    C’est étrange comme Dieu - tiens, je m’étais juré de ne plus prononcer son nom - a l’égoïste tendance de s’accaparer les meilleurs êtres qu’il y a sur Terre pour les mettre à ses côtés. Je n’ai pas connu beaucoup de décès autour de moi. Celui de mon grand-père en valait mille. Et pourtant, je n’imaginais pas ressentir un tel vide de son vivant une fois cette ombre de noir vêtu arrivée pour lui extirper son dernier souffle. D’une nature enjouée et empathique, j’ai l’habitude de me réfugier derrière des sourires, adressant le message « tout va bien ». Certaines personnes m’envient pour l’aisance que j’ai à échanger avec autrui. Mais je ne le souhaite à personne, ni à ces filles superficielles que je raille avec Emilie, ni à ces pauvres garçons immatures de vivre un tel drame pour avoir une toute autre conception de la vie et des rapports humains.

    Toutes ces photos disposées sur la commode d’entrée de la maison d’Alex m’arrachent un bout de mon cœur. Ce bout se place peu à peu au fond de mon estomac, formant une boule, qu’il m’est impossible de faire partir. Cette boule qui me rappelle combien la vie peut parfois être injuste.

    « - Marine ? Qu’est ce que tu as ?

    - Quoi ? »

    Au son de ma voix coupée par cette vague soudaine de mélancolie, je réalise que je dois afficher une mine de déterrée. Moi qui me faisais une joie de découvrir l’intimité meublée d’Alex.

    « - Excuse-moi, repris-je doucement, ce n’est qu’une petite remontée de souvenirs, toutes ces photos de famille me rappellent que je n’en ai jamais vraiment eu une…

    - Si ça peut te consoler, reprit-il sur un ton encore plus grave que le mien, sache que ces portraits ne valent désormais plus rien pour moi.

    - Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

    - Il n’y a pas si longtemps, continua-t-il en me prenant la main pour me faire asseoir sur le canapé en cuir noir qui jonchait le salon, j’ai appris que mes parents actuels ne sont pas mes parents biologiques. J’ai été adopté, Marine. Mais ils ne savent pas encore que je suis au courant, en fait, tu es la seule. »

    Je lui adressai un sourire, sans doute le plus sincère depuis bien longtemps, plus sincère que celui accordé à ma mère pour lui dire que ses mensonges aberrants m’apparaissait comme une simple vérité, plus que celui de Joy quand je l’ai vu à l’hôpital, qui cachait la peur et le remord de ce que j’avais provoqué. Oui, ce sourire était sincère. Celui qu’il m’offrit en retour, je ne le saurais jamais. Mais je me plais à croire qu’il provenait d’un organe similaire : du cœur.